Caroline Rémy (née à Paris le 27 avril 1855, morte à Pierrefonds (Oise) le 24 avril 1929), fille d’un fonctionnaire, accepte d’épouser en 1872 Henri Montrobert, employé du gaz, que lui présente son père.

Photo de Paul Nadar

Journaliste

Exclue du PCF en 1923

Elle a un enfant avec lui qu’elle délaisse et obtient la séparation de corps.

Pour gagner sa vie, elle devient lectrice auprès de madame Guebhardt et fait ainsi la connaissance d’Adrien Guebhardt, docteur, avec qui elle a un second fils, non désiré lui aussi. Elle ne peut régulariser son union qu’en 1885, après le vote de la loi sur le divorce.

Séverine se sépare ensuite, de Guebhardt, qui reprendra sa place bien plus tard, à ses côtés, en 1920.

C’est en accouchant en secret à Bruxelles qu’elle rencontre Jules Vallès, en 1879. Elle le seconde dans son travail journalistique et littéraire, corrige ses chroniques et se lie d’amitié avec lui, apprenant de lui «l’alphabet de la Révolution». Avec Vallès, elle refait paraître le quotidien Le Cri du peuple, qu’Adrien Guebhardt accepte de financer.

Elle y tient une chronique sous le pseudonyme de Séverin. Elle dirige le Cri du Peuple après la mort de Vallès en 1885, dans l'esprit qu'il avait insufflé au journal. Elle est la première femme «patron» d'un grand quotidien. Elle doit cependant quitter son journal, suite à un conflit idéologique de fond avec Jules Guesde, qu’elle juge sectaire : «Je commence à croire que je suis trop libertaire pour écrire jamais dans un journal d’école socialiste», écrit-elle en 1888.

Elle fait désormais «l’école buissonnière de la Révolution».

Avec le pseudonyme de Séverine, elle collabore à de nombreux journaux (plus de 4 000 articles). Elle donne des articles au Gaulois, à L’Éclair, au Gil Blas, etc, tentant toujours de garder son indépendance. Elle s’intéresse à toutes les causes sociales de l’époque, soucieuse d’être sur le terrain : au lendemain d’un coup de grisou qui a tué près de cent travailleurs, elle descend dans la mine à Saint-Étienne.

Elle conserve durant toute sa vie un fond de socialisme libertaire : «Avec les pauvres, toujours, malgré leurs erreurs, malgré leurs fautes, malgré leurs crimes».

Elle a un temps cautionné, par sa collaboration, la revue «antijuive» de Gustave Téry, L’Œuvre. Elle reconnaît ensuite son erreur.

À la fin du XIXe siècle, son engagement en faveur de Dreyfus lui ferme les portes de grands journaux, pour beaucoup anti-dreyfusards. Et elle a du mal à gagner sa vie.

Pendant l’hiver rigoureux de 1890-1891, elle organise un «Asile de la presse». Avec la collaboration de plusieurs directeurs de journaux parisiens, elle héberge les « sans-feux » dans une ancienne piscine, rue Rochechouart, et persuade le célèbre restaurateur Duval fils, de fournir gratuitement des soupes chaudes, chaque soir.

Elle se rapproche des féministes et fonde La Fronde avec Marguerite Durand, premier quotidien entièrement conçu par des femmes. Y disposant d’une tribune libre («Notes d'une frondeuse») où elle peut exprimer ses convictions, elle poursuit son combat pour la révision du procès de Dreyfus, qui a finalement lieu en 1899. Durant un mois, elle couvre le procès, en compagnie de Bernard Lazare, Jean Jaurès, le colonel Picquart, Victor Basch.

La Fronde, manquant de fonds, cesse de paraître en 1905.

À partir d’octobre 1899, Séverine prononce de nombreuses conférences, se découvrant un talent d’oratrice. Bien que partisane de l’égalité des sexes et favorable au droit à l’avortement (à partir de 1892), elle rejoint le combat pour le droit de vote des femmes, qu’en 1914. En juillet 1914, elle organise une manifestation qui rassemble 2 400 personnes en faveur du vote des femmes (défilé des Tuileries à la statue de Condorcet).

Elle participe à la création du prix Vie Heureuse (ancêtre du prix Femina) en 1904 dont elle est présidente un moment.

Séverine, fidèle aux idées de Jaurès, pacifiste, elle condamne l’« Union sacrée » en 1914. Elle accueille avec espoir la nouvelle de la Révolution russe. En 1918, elle adhère au Parti socialiste - SFIO, et collabore à L'Humanité.

En 1921, elle adhère au Parti communiste – SFIC, et en est exclue en 1923 pour avoir refusé de démissionner de la Ligue des droits de l’homme ( 1 ), dont elle était l’une des plus anciens membres.

Elle rencontre en 1885, Georges de Labruyère, un journaliste de L'Écho de Paris, et vit avec lui jusqu’à la mort de ce dernier en 1920, avant de reprendre la vie commune avec son second mari, Adrien Guebhard, qui, lui, disparaît en 1924.

En 1926, elle s’établit à Pierrefonds.

Elle ne reparaît qu’une fois en public, au Cirque d’Hiver en juillet 1927, pour tenter d’arracher Sacco et Vanzetti à la chaise électrique.

À sa mort, Le Libertaire du 1er mai 1929 lui rend hommage en ces termes : « Elle était pour nous, anarchistes, une grande amie, une camarade. Séverine était libertaire, plus d’instinct sans doute que d’idées, mais elle était des nôtres. »

Libertaire et féministe, elle fut l’une des premières femmes journalistes.

 

Sources

Rémy Caroline dite Séverine – Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - Jean Maitron, Caroline Granier, Evelyne Le Garrec

Rémy Caroline dite Séverine - Wikipédia

Publications

Pages rouges, Simonis Empis, 1893

Notes d’une frondeuse, Simonis Empis, 1894

Pages mystiques, Simonis Empis, 1895

En marche, Simonis Empis, 1895

Vers la lumière, P.-V. Stock, 1900

Sac à tout, Mémoires d’un petit chien, textes et illustrations de Séverine, Juven, 1905

Line, G. Crès, 1921 [rééd : Monaco, Éditions du Rocher, 2001]

Jules Vallès – Séverine : Correspondance, préface et notes de Lucien Scheler, 1972

Évelyne Le Garrec, Séverine (1855-1929). Vie et combats d’une frondeuse, L’Archipel, 2009.

Honneurs

En 1933, le nom de Séverine est attribué à un square de la porte de Bagnolet, à Paris.

Une station du Tramway 3B, à Paris, est dénommée Séverine, près du square du même nom.

Auguste Renoir et L. Welden Hawkins ont fait le Portrait de Rémy Caroline, Séverine.

Notes

(1) En novembre 1922, le IVe Congrès de l’Internationale communiste, « considérant que la Ligue pour la défense des Droits de l’Homme et du Citoyen est, dans son essence, une organisation du radicalisme bourgeois,…. invite tout les membres du Parti adhérant à cette Ligue, à en sortir avant le 1er janvier 1923… » Résolution du 4eme Congrès de l’IC.