Jean-Toussaint Desanti (né à Ajaccio (Corse du Sud) le 8 octobre 1914, mort à Paris le 20 janvier 2002), fils d’un répétiteur en lettres classiques au collège d’Ajaccio, fait ses classes préparatoires au lycée Thiers, à Marseille.

Cofondateur Nlle Critique

Quitte le PCF en 1960

En 1935, il est reçu à l’Ecole Normale Supérieure d’Ulm.

Au printemps 1937, il rencontre, au bal de l’École Normale, Dominique Persky qu’il épouse en décembre 1937. Le couple raconte dans ses mémoires que pour briser le modèle bourgeois, ils passent un contrat original : ils s’engagent seulement pour six mois renouvelables, en laissant la liberté à l’autre de mener une vie sentimentale parallèle. Ils mettent ce contrat à l’épreuve pendant plus de soixante ans.

Mobilisé en septembre 1939 comme simple soldat de deuxième classe, parce qu’il avait refusé d’effectuer la préparation militaire lors de sa scolarité à Normale Sup, il passe « la drôle de guerre » à Montpellier et dans ses environs, « sans avoir rien fait, sans avoir vu le moindre combat ». À la rentrée 1940, il est nommé professeur à Paris, au lycée Rollin puis au lycée Charlemagne.

En 1940, il crée avec Dominique Desanti, Maurice Merleau-Ponty et quelques amis un groupe de résistance qui publie le bulletin Sous la botte. Ce groupe se renforce symboliquement au printemps 1941 avec l’arrivée de Simone de Beauvoir et de Jean-Paul Sartre. Le groupe Sous la botte et le Groupe Sartre-Beauvoir fusionnent, pour créer le mouvement Socialisme et Liberté. Distant par rapport au projet de Sartre de constituer une «troisième voie» entre gaullistes et communistes, Desanti s’éloigne de Socialisme et Liberté, après l’entrée en guerre de l’URSS.

Reçu à l’agrégation de philosophie en mars 1942, Desanti, en danger à Paris, demande son affectation en zone sud. Il est nommé au lycée de Vichy, et le couple Desanti s’installe alors à Clermont-Ferrand. En décembre 1942, il rejoint, ainsi que sa femme, le Front national.

Il adhère au Parti communiste clandestin, en 1943. Il croit alors que « la science prolétarienne est aujourd'hui la véritable science […] Les nouveaux et modernes Galilée s'appellent Marx, Engels, Lénine et Staline. »

À la libération de la région de Clermont-Ferrand, les réseaux de résistants confient à Desanti et à sa femme, Dominique Desanti, la direction de deux journaux locaux issus de la clandestinité : La Nation et Le Patriote.

En 1948, il participe à la création de la Nouvelle Critique, avec Jean Kanapa (rédaction en chef), Annie Besse, Pierre Daix, Jean Fréville, Victor Leduc, Henri Lefebvre.

Il enseigne successivement au lycée de Saint-Quentin, au lycée de Chartres, au lycée Lakanal, au lycée Saint-Louis. En 1950, avec l’aide de Gaston Bachelard, Desanti obtient un détachement de deux ans au CNRS.

Il s’affirme, jusqu’au milieu des années 1950, comme le « philosophe du parti » chargé de « fonder » la théorie du PCF sur la science. En 1949, au moment de l’affaire Lyssenko, il publie, dans la Nouvelle Critique, une série d’articles dans lesquels il développe l’argumentation philosophique visant à justifier la distinction science bourgeoise et science prolétarienne

En 1956, à la demande de Laurent Casanova, il rédige pour la Nouvelle Critique un article sur le XXe congrès du PCUS, dans lequel il justifie la ligne du PCF, en feignant d’ignorer le contenu du rapport Khrouchtchev dont il a pourtant eu connaissance, dès le mois de mars, grâce Dominique Desanti. Fin 1957, il démissionne de la Nouvelle Critique, pour marquer sa solidarité ses amis exclus ou quittant d’eux-mêmes le Comité de rédaction, comme Henri Lefebvre, Annie Kriegel, Victor Leduc. Dans sa lettre de démission, il justifie aussi sa décision par « l’état de délabrement » de la revue dont il s’attribue une part de responsabilité, et par le désir de faire aboutir les recherches dans lesquelles il est engagé sur la méthodologie de l’histoire des idées et des sciences. Il connaît alors, une période de détachement progressif vis-à-vis du PCF. De 1958 à 1963, il est dans la « situation étrange » du communiste dissident que la direction du PCF cherche à maintenir dans ses rangs.

En 1958-1958, il participe à l’organe oppositionnel Voies nouvelles (1958-1959), pour tenter d’amener le Parti sur des positions proches de celles défendues par Palmiro Togliatti.

En 1960, il ne reprend pas sa carte (alors que sa femme Dominique Desanti a déjà quitté le PCF, dès 1956).

En 1960, il est nommé maître-assistant à Normale Sup de Saint-Cloud, puis, en 1971, professeur à l’Université Paris I.

Bien que non membre du PCF, Desanti est cependant présent, à la réunion du CERM de janvier 1963, au cours de laquelle est discuté l’ouvrage de Lucien Sève La philosophie française contemporaine. Desanti y présente un rapport, intitulé « Sur la philosophie marxiste », qui constitue une attaque en règle contre Lucien Sève dont il dénonce, outre la méthode, la « sous-estimation des conséquences du culte de la personnalité » et du bureaucratisme. Il apporte ainsi son soutien aux analyses de Roger Garaudy.

En 1963, les Éditions sociales publie sous le titre Phénoménologie et Praxis, un ouvrage qui reprend les cours de Desanti prononcés à l’Université populaire. L’ouvrage sera ensuite réédité plusieurs fois en collection de poche chez Gallimard.

Avec la publication de Les idéalités mathématiques (1968), livre tiré de sa thèse commencée en 1942 (sous l’autorité de Gaston Bachelard) et soutenue en 1968, il s’impose comme un des philosophes des mathématiques majeurs du XXe siècle.

Au début de la décennie 1970, le couple Desanti sympathise avec de jeunes maoïstes : Judith Lacan, élève de Jean-Toussaint, et les frères Jacques-Alain et Gérard Miller, puis Philippe Sollers et Julia Kristeva.

Avec son livre Un Destin philosophique parue en 1982, il offre une analyse de l’engagement communiste, en proposant une approche phénoménologique de la croyance collective. Il essaie de décrire comment, au-delà des circonstances historiques, la pensée d’un « sujet » peut être capturée, détournée, dans ce qu’il appelle le « champ symbolico-charnel » où se renforce, par « le jeu des renvois symboliques », la « région d’adhérence », toujours menacée d’effondrement. Ainsi, Desanti invite à considérer son passé de philosophe communiste, non comme une parenthèse dans sa trajectoire intellectuelle, mais, au contraire, comme un moment dans l’élaboration de sa pensée philosophique.

Desanti a notamment pour élèves Michel Foucault et Louis Althusser, dont il a fortement influencé l'engagement politique. Il a dirigé la thèse de doctorat d'Etat de Jacques Derrida (1980).

Résistance, militantisme, cheminement intellectuel, parcours amoureux, il en parle longuement dans La liberté nous aime encore, un livre de dialogues dans lequel son épouse Dominique Desanti et lui se confient à Roger-Pol Droit.

Dans La peau des mots, son dernier ouvrage, il aborde son rapport à la Corse et à l'insularité.

 

Sources

Jean Toussaint Desanti – Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - Isabelle Gouarné

Jean Toussaint Desanti - Wikipédia

Institut Jean Toussaint Desanti

Responsabilités au PCF

Cofondateur et membre du Comité de rédaction de la Nouvelle Critique : 1948 - 1957

Publications

Introduction à l'histoire de la philosophie, La Nouvelle Critique, Paris, 1956,

Phénoménologie et praxis, Éditions Sociales (Essais), Paris, 1963,

Les Idéalités mathématiques. Recherches épistémologiques sur le développement de la théorie des fonctions de variables réelles, Éditions du Seuil (L'ordre philosophique), Paris, 1968,

La philosophie silencieuse ou critique des philosophies de la science, Éditions du Seuil, Paris, 1975,

Un destin philosophique, Grasset (Figures), Paris, 1982,

Réflexions sur le temps (Variations philosophiques 1). Conversations avec Dominique-Antoine Grisoni, Grasset (Figures), Paris, 1992,

Philosophie : un rêve de flambeur (Variations philosophiques 2). Conversations avec Dominique-Antoine Grisoni, Grasset (Figures), Paris, 1999,

La liberté nous aime encore, avec Dominique Desanti, Éditions Odile Jacob, Paris, 2001,

La peau des mots. Réflexions sur la question éthique. Conversations avec Dominique-Antoine Grisoni, Éditions du Seuil, Paris, 2004.

Honneurs

En 2006, est créé l’Institut Desanti, à Ecole Nationale Supérieure de Lyon.