Pierre Daix (né à Ivry-sur-Seine (Val de Marne) le 24 mai 1922, mort à Paris le 2 novembre 2014), fils d'un gendarme et d'une directrice d'école, entre au lycée Henri-IV, en khâgne, en septembre 1939.

Rédacteur en chef des

Lettres françaises

Départ en 1974

Il suit le repli de son école à Rennes et c’est là qu’il adhère au Parti communiste, interdit, en octobre 1939, à 17 ans.

En juillet 1940, à Paris, il crée un club étudiant du Centre laïque des auberges de la jeunesse (Claj) qui sert de paravent légal à l'Union des étudiants communistes (UEC) clandestine. Il est un des organisateurs des manifestations étudiantes du début du mois de novembre 1940. Il est arrêté une première fois le 28 novembre 1940, et emprisonné à la Santé. Libéré en février 1941, arrêté de nouveau en janvier 1942, et déporté en mars 1944 au camp de concentration de Mauthausen. Connaissant l'allemand, il travaille dans le camp avec l'organisation de résistance internationale.

À la Libération, il est nommé chef de cabinet politique de Charles Tillon, ministre communiste de l'Air, de l'Armement et de la Reconstruction. Après le départ des ministres communistes du gouvernement, en 1947, il est directeur-adjoint des Éditions sociales, la maison d'édition du PCF.

Il devient un ami intime du peintre Pablo Picasso, qui a adhéré au Parti communiste, et qu'il rencontre pour la première fois en novembre 1945.

Sa carrière de journaliste commence en décembre 1946 au journal France d'abord, et se poursuit en mai-juin 1947 comme rédacteur en chef de L'Avant-garde, le journal des Jeunesses communistes (UJRF). Entre 1948 et 1950, il est rédacteur en chef des Lettres françaises, dont le directeur officiel est l'écrivain Claude Morgan mais que Louis Aragon pilote en sous-main. Il devient directeur-adjoint de Ce soir qui tire chaque jour entre 80 000 et 100 000 exemplaires et dont Louis Aragon est le directeur officiel. Lorsque Ce soir cesse sa parution en mars 1953, il redevient rédacteur en chef des Lettres françaises.

Il fait partie du premier comité de rédaction de La Nouvelle Critique lorsque celle-ci est créée en 1949, à destination des intellectuels communistes.

Face à David Rousset, leader trotskiste, qui publie des preuves sur l’existence des camps de concentration soviétiques et qui réclame une commission d’enquête, Daix fait paraître dans Les Lettres françaises, « Pierre Daix, matricule 59 807 à Mauthausen », article qui réfute l'existence d'un univers concentrationnaire en Union soviétique. Ce qui donne lieu à un procès retentissant intenté par David Rousset à la fin de 1950. Le PCF tire l’article de Daix à 200 000 exemplaires, sous forme de brochure.

En 1950, il publie La dernière forteresse qui est un succès (fortement entretenu par le PCF). Les années suivantes, Daix retrace dans trois autres romans, sa vie et l’histoire du communiste de Mauthausen à la Résistance.

En 1952, il persuade Vercors de renoncer à la dénonciation du caractère antisémite des procès de Prague.

En mars 1953, à la mort de Staline, c’est Daix qui va voir Picasso pour lui demander un portrait à mettre à la une des Lettres françaises. Après la publication de ce portrait de Staline, il est au milieu de la tourmente (1). Le désaveu public du  PCF du portrait jugé peu respectueux pour le «grand Staline» (2), pousse Daix à se retirer du jeu politique interne au parti et à se consacrer exclusivement à son activité de rédacteur en chef des Lettres Françaises.

Il participe à l'ouverture des Lettres françaises, et de la promotion de la littérature soviétique "dissidente".

Il joue un rôle dans le «dégel» dans les pays socialistes par le soutien qu’apportent Les Lettres françaises aux écrivains et artistes en délicatesse avec leur gouvernement : Ilyia Ehrenbourg, Victor Nekrassov, Alexandre Tvardowski, Antonin Liehm ... En 1963, Pierre Daix écrit la préface d’Une journée d'Ivan Denissovitch d'Alexandre Soljenitsyne.

L’évolution de sa vie personnelle accentue cette ouverture aux dissidents des pays socialistes : il devient en effet le compagnon de Françoise London, fille de l’auteur de L’Aveu (le couple se rend à Prague à plusieurs reprises, notamment en mars 1968, au beau milieu du «Printemps»).

En mai 1968, Pierre Daix met son journal du côté des étudiants ; il fait paraître un numéro spécial le 15 mai (malgré un coup de téléphone réprobateur de Georges Marchais).

L’art moderne et la critique de la normalisation à l’Est deviennent les deux axes principaux de son activité intellectuelle.

En accord avec Aragon (qui le laisse diriger seul le journal après la mort d’Elsa Triolet, en juin 1970), il critique la répression contre les intellectuels dissidents des pays socialistes.

En janvier 1969, l’URSS, la Bulgarie et la Hongrie interrompent leurs abonnements aux Lettres françaises. Et en 1972, la direction du PCF décide de mettre fin aux Lettres françaises.

Deux années après, en 1974, Daix ne reprend pas sa carte au PCF.

Par la suite, il se consacre surtout à l’écriture (plus d’une quarantaine de livres dont une quinzaine sur Picasso) : Ce que je sais de Soljenitsyne ; Aragon, une vie à changer ; Le Socialisme du silence ; La Crise du PCF ; Les Hérétiques du PCF ; J’ai cru au matin ; Les Lettres françaises : jalons pour l'histoire d'un journal, 1941-1972 ;  Les Combattants de l'impossible. La tragédie occultée des premiers résistants communistes ; La Vie quotidienne des Surréalistes ;  Braudel ; Tallandier ; Avec Elsa Triolet (1945-1971) ; Bréviaire pour Mauthausen.     

En 1977, avec Pierre Emmanuel et Gilles Martinet, il crée Comité international de soutien à la Charte 77, comité de soutien aux dissidents opposés au processus de «Normalisation» de la société tchécoslovaque.

Figure importante du milieu antitotalitaire, il y fréquente Boris Souvarine, Branko Lazitch, François Fejtö, David Rousset et dénonce l’«aveuglement» d’une gauche française alliée au PCF.

Daix collabore au Quotidien de Paris de Philippe Tesson entre 1980 et 1994. Il écrit aussi pour Le Figaro et Le Figaro magazine de Louis Pauwels.

Dès les années 1960, il s’était lancé dans la réalisation d’un catalogue de l’œuvre de jeunesse de Picasso dont le premier volet est publié en 1979 et le second en 1988. Outre ses nombreux ouvrages sur Picasso, il écrit sur Rodin, Gauguin, Hans Hartung, Soulages, Zao Wo Ki, Pierre Alechinsky, Antoni Clavé...

Après la Libération, Daix se marie avec la résistante Madeleine Riffaud (qui devient par la suite grande reporter à L'Humanité). Il épouse dans les années 1950, Anne Villelaur (qui travaille aux Lettres françaises). Pierre Daix se remarie à Ivry en troisièmes noces, en 1967, avec Françoise London, fille d’Artur et Lise London.

 

Sources

Pierre Daix - Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - Philippe Olivera

Pierre Daix - Wikipédia

Responsabilités au PCF

Rédacteur en chef adjoint de Ce Soir : 1950-1953

Rédacteur en chef des Lettres françaises : 1948-1950 ; 1953-1972

Publications

La dernière forteresse, roman, Les Éditeurs français réunis, 1950

Les Embarras de Paris, roman, Les Éditeurs français réunis, 1956

Les Revenantes, roman, Librairie Arthème Fayard, 2008

Ordre et l'Aventure : peinture, modernité et répression totalitaire, Arthaud, Paris, 1984

La Vie quotidienne des surréalistes. 1917-1932, Hachette, Paris, 1993

Pour une histoire culturelle de l’art moderne : tome 1, De David à Cézanne, Odile Jacob, Paris, 1998.

Pour une histoire culturelle de l’art moderne : tome 2, Le Vingtième Siècle, Odile Jacob, Paris, 2000.

La Vie de peintre de Pablo Picasso, éd. Seuil, Paris, 1977

Tout l'œuvre peint de Picasso, éd. Flammarion, Paris, 1980

Picasso créateur, Seuil, Paris, 1987

Une saison Picasso, éd. du Rocher, Paris, 1997

Picasso, trente ans après, Ides et Calendes, Neuchâtel, 2003

Les Après-guerres de Picasso (1945-1955) et sa rupture avec Aragon, Ides et Calendes, Neuchâtel, 2005

Picasso : L'homme au mille masques, avec Jorge Semprún, Maria Teresa Ocaña, Jean-Paul Barbier-Mueller, Somogy, Paris, 2006.

Honneurs

Officier de la Légion d'honneur, 2009

Grand-croix de la Légion d'honneur, 2012

Prix Georges-Pompidou pour sa contribution à la connaissance de l’art, 2003

Médaille d'or du mérite des beaux-arts du Ministère de l'Éducation, de la Culture et des Sports espagnol.

Notes

(1) «Le portrait [de Staline] va déclencher une campagne dans le PCF, pas tant contre Picasso que contre Aragon et, derrière lui, contre le secrétaire général du parti, Maurice Thorez, alors soigné à Moscou. Daix sera le témoin de la terrible humiliation d’Aragon. L’affaire laissera des traces douloureuses, y compris après que Maurice Thorez, de retour, aura sifflé la fin de la récréation. On ne touche pas à Picasso et à Aragon.» L’Humanité du 3/11/2014, Maurice Ulrich

(2) Aragon se livre alors à un exercice d’autocritique : "On peut inventer des fleurs, des chèvres, des taureaux, et même des hommes, des femmes - mais notre Staline, on ne peut pas l'inventer. Parce que, pour Staline, l'invention - même si Picasso est l'inventeur - est forcément inférieure à la réalité. Incomplète, et par conséquent, infidèle."