Mathilde Dardant (née à Fursannes (Haute-Vienne) le 16 avril 1911, morte en octobre 1942), de parents petits cultivateurs, monte à Paris en 1933, et devient agent des Hôpitaux de Paris Elle milite dans les rangs de la section communiste du XXe arrondissement.

Résistante

Exécutée en 1942

par le Groupe Valmy

Sa sœur cadette de Marguerite Montré est secrétaire de Georges Gosnat à France-Navigation, formée à l’action clandestine en URSS. Le 12 juin 1940, peu avant l’entrée de l’armée allemande dans la capitale, Marguerite Montré part pour la Haute-Vienne avec sa sœur et Benoît Frachon (un des deux dirigeants du PCF clandestin) pour trouver refuge dans la ferme parentale. Le 2 août 1940, Mathilde Dardant retourne à Paris avec Frachon, et devient l’un de ses agents de liaison. Mathilde Dardant appartient ainsi au cercle des dirigeants clandestins.

Frachon s’installe dans la villa « Les Roses » à Forges-les-Bains en septembre 1941. Après l’arrestation de sa sœur en novembre 1941, Dardant avertit ses parents qu’elle ne leur donnera plus de nouvelles, par précaution, et elle poursuit sa tâche d’agent de liaison.

Elle disparaît au cours de l’année 1942 sans laisser la moindre trace. À son retour de déportation, Marguerite Montré se met à la recherche de sa sœur sans succès. Mathilde est finalement déclarée judiciairement décédée, après la guerre, par jugement du tribunal de Bellac le 13 mars 1947.

Le 28 septembre 1949, Marcel Servin qui, l’année précédente, a remplacé Jean Chaumeil à la tête de la commission des cadres, adresse à Maurice Thorez un « rapport sur la disparition de Mathilde Dardant ». Il commence par rappeler succinctement ses responsabilités pendant la clandestinité : « Mathilde est la fille de vieux camarades de la Haute-Vienne, chez lesquels Benoît Frachon a trouvé refuge en juin 1940. Elle est remontée à Paris avec Benoît. Elle assurait les liaisons de la direction du Parti » Marcel Servin expose ensuite la « thèse officielle sur la disparition de Mathilde » dont, précise-t-il, la « source unique » est Raymond Dallidet (responsable de la sécurité de Benoît Frachon) : « Mathilde a été au service de la direction du Parti jusqu’en juin 1942 environ. À cette date, elle a été passée à un autre service (TSF). Elle a disparu en octobre 42 avec tous les camarades de ce service TSF et on n’en a plus jamais entendu parler. » Interrogé sur les raisons du changement de service, Dalidet répond : « elle avait un amant, il y avait danger à la maintenir ; par ailleurs, la faiblesse de sa vue pouvait amener une catastrophe. »

Servin aborde alors les « circonstances réelles de la disparition » : « en étudiant le dossier de l’affaire Valmy, j’avais vu que certains membres de ce groupe avaient exécuté, sur ordre du Parti, une femme en octobre 1942, dans les bois de Montfort-l’Amaury. J’avais fait le rapprochement avec la disparition de Mathilde Dardant. Le rapport de police sur cette question, basé sur les aveux d’un certain nombre de mouchards qui étaient dans le groupe Valmy, disait que cette femme avait été en liaison avec la direction du Parti. Elle aurait été exécutée sur les ordres de Robert Dubois qui avait succédé à Arthur Dallidet (torturé et exécuté). » Au cours de son enquête, Marcel Servin rencontre deux survivants du groupe Valmy revenus de déportation, Foccardi et Urbini. Il trouve auprès d’eux confirmation de ses soupçons et expose ses conclusions à Maurice Thorez : « il ressort que Mathilde n’a jamais été versée à un service TSF, qu’elle est toujours restée liaison de la direction ; qu’elle a été abattue, sur un ordre supérieur, par un membre du groupe Valmy (Bourbon) accompagné d’un autre homme non membre du groupe Valmy, et ce en octobre 1942. » Dans la seconde moitié de son rapport, Marcel Servin s’en prend à Raymond Dallidet qu’il accuse d’avoir « menti sciemment » et d’avoir été « l’autre homme non-membre du groupe Valmy » impliqué dans l’exécution de Mathilde Dardant. Mais à travers Dallidet, il est évident qu’il visait Jacques Duclos et Benoît Frachon. Ainsi écrit-il qu’il « est à peu près hors de doute que Jacques, au courant de la vérité sur la disparition, se fait le défenseur de la même thèse que Dalidet. » Et Servin de préciser : « Je n’ai naturellement pas parlé à Jacques ». « Pourquoi ces mensonges et ces fausses explications de la disparition, laborieusement échafaudées ? Je ne le sais pas mais une chose semble claire : si l’exécution de Mathilde Dardant avait été justifiée devant le Parti (provocatrice, policière, etc.), il n’y avait nul besoin, pour le Parti d’échafauder tant de fausses pistes. »

La fin du rapport Servin du 28 septembre 1949 constitue un véritable réquisitoire contre les deux principaux dirigeants de la Résistance communiste en France occupée.» Conclusion du responsable du service des cadres : « Mon opinion est qu’il faut pousser plus loin, et vite. Mais je ne vois pas clairement le fil à attraper pour parvenir à la lumière complète ». On ignore quelles suites Thorez réserve à ce rapport de son collaborateur. Mais on sait qu’à la même époque, sur la suggestion de Servin à qui il avait demandé de réfléchir à la question, il constitua une « commission spéciale chargée de tirer au clair la vie du Parti pendant la clandestinité. »

S’agissant de Mathilde Dardant, il est possible aujourd’hui d’établir un « scénario probable » en rapprochant les documents et témoignages disponibles. Ainsi dans son livre de souvenirs Les clandestins 1940-1944, Jean Jérome rapporte-t-il une anecdote concernant son « agent de liaison Odette » : « Je guettais ce jour-là son arrivée, posté non loin de la planque, afin de m’assurer qu’elle n’était pas suivie. Je la vis frôler presque un agent de police sur le trottoir et me demandai si c’était intrépidité ou simple sottise de sa part. Le lendemain, quand elle m’affirma n’avoir rencontré aucun policier à aucun moment sur son chemin, je me rendis compte qu’elle était terriblement myope ! » Jean Jérôme était à coup sûr l’un des militants avec lesquels Mathilde Dardant assurait des liaisons pour le compte de Benoît Frachon. Et il est plus que probable qu’elle était cette « Odette », « dont la faiblesse de sa vue pouvait amener une catastrophe », comme l’avait expliqué Dallidet à Servin. Lorsqu’il lui fut annoncé qu’elle allait être mutée par mesure de sécurité et remplacée par une autre, eut-elle des réactions de « femme jalouse » (on évoque une liaison amoureuse entre Mathilde Dardant et Frachon) qui la firent condamner à mort par les responsables de l’appareil de sécurité de la direction du PCF clandestin ?

Finalement, le décès de Mathilde Dardant fut judiciairement déclaré par le tribunal de Bellac le 13 mars 1947, avec la mention « Morte pour la France ».

 

Sources

Mathilde Dardant – Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - Jean-Pierre Ravery

Liquidez les traitres. La face cachée du PCF, 1941-1943, Jean-Marc Berlière, Franck Liaigre, Robert Laffont, Paris, 2007.