Jacques Vergès (né au Laos le 20 avril 1924, mort à Paris le 15 août 2013), fils d’un docteur et d’une institutrice vietnamienne, obtient son baccalauréat à seize ans, à la Réunion.
Avocat, résistant Adhère en 45, départ en 57
Son père, Raymond Vergès, profitant de son statut de consul à Ubon Ratchathani (Thaïlande), aurait fait un faux en déclarant la naissance de ses deux enfants le même jour alors qu’ils avaient en réalité un an d’écart. Jacques Vergès est né officiellement (pour l’état civil) le 5 mars 1925 à Ubon Ratchathani, en Thaïlande.
En 1942, à dix-sept ans et demi, il quitte la Réunion pour rejoindre la Résistance, puis passer en Angleterre, où il s'engage dans les Forces françaises libres (FFL), en janvier 1943. Plusieurs fois médaillé, il se bat notamment en Italie puis en France, avec le grade de sous-officier.
En 1945, arrivé à Paris, Vergès adhère au PCF.
En 1950, il est élu à Prague membre du bureau du Congrès de l'Union internationale des étudiants comme représentant de la Réunion et non de la France (ce qui lui vaut quelques remarques du PCF). En 1952, il devient secrétaire de l’union, où il pousse les feux de l'anticolonialisme. Il reste sur place jusqu'en 1954.
Il y obtient sa deuxième année de droit. De retour en France, il obtient sa troisième année en 1955. Il s'inscrit alors au barreau de Paris après avoir passé le CAPA. L'année suivante, il se présente au concours de la conférence du barreau de Paris, et devient premier secrétaire de la conférence (promotion 1956-1957),
Se qualifiant de « petit agitateur anticolonialiste au Quartier latin », et à la tête de l'association des étudiants réunionnais, il se lie d'amitié avec les futurs chefs khmers rouges Saloth Sâr (plus connu ensuite sous le nom de Pol Pot) et Khieu Samphân,
Il milite pour le Front de libération nationale (FLN) et défend leurs combattants. Il est notamment l'avocat de l'emblématique Djamila Bouhired, militante du FLN capturée par les parachutistes français, torturée puis jugée et condamnée à mort pour attentat à la bombe durant la bataille d'Alger, notamment au Milk-Bar (cinq morts et soixante blessés, dont beaucoup de civils). Pour défendre Djamila Bouhired, Vergès invente la "défense de rupture" : il n'y a rien à attendre de la connivence des avocats avec des magistrats qui ne représentent que l'ordre colonial. Le verdict étant certain, il faut faire du procès une tribune ; Vergès crache son mépris pour une justice qu'il récuse, et finalement, accuse ses accusateurs. Son courage et son insolence lui valent un an de suspension du barreau, en 1961, mais pour le FLN, c'est un héros, il est rebaptisé "Mansour", le victorieux.
Il épouse sa cliente, Djamila Bouhired, et ils ont deux enfants. Vergès se convertit à l'islam, avant de retourner plus tard, au catholicisme.
Il quitte le PCF en 1957, jugeant le parti « trop tiède » sur la question algérienne.
Après l'indépendance de l'Algérie, en 1962, Vergès s'installe à Alger, et prend la nationalité algérienne. Il devient le chef de cabinet du ministre des Affaires étrangères. Il fonde alors avec Djamila Bouired, une revue tiers-mondiste financée par le FLN, Révolution africaine. Vergès rencontre Mao Zedong en mars 1963 et se rallie très rapidement aux thèses maoïstes. Il est alors destitué de ses fonctions au ministère et doit rentrer à Paris.
Au mois de septembre, il crée une nouvelle revue, Révolution, qui est alors le premier journal maoïste publié en France. En 1965, la destitution du président Ben Bella permet à Vergès de rentrer en Algérie. Il met fin alors à la revue Révolution. Il est avocat à Alger jusqu'en 1970.
Au carrefour du politique et du judiciaire, Vergès a associé son nom à de nombreux procès médiatisés : Klaus Barbie, ancien chef de la Gestapo ; Djamila Bouhired (Algérienne condamnée à mort) ; la famille de Robert Boulin ; Carlos, terroriste ; les acteurs d'Action directe ; Roger Garaudy ; Khieu Samphân l'un des trois dirigeants khmers rouges ; Magdalena Kopp, compagne de Carlos ; la famille du juge François Renaud (assassiné en 1975) ; Omar Raddad en 1994 ; Louise-Yvonne Casetta (ex-trésorière occulte du RPR) ; Jacques Médecin, ancien maire de Nice ; trois chefs d'État africains Omar Bongo, Idriss Déby, Denis Sassou-Nguesso ; Cheyenne Brando, la fille de l'acteur Marlon Brando ; Laurent Gbagbo…
Il déclare à plusieurs reprises que « plus l'accusation est lourde, plus le devoir de défendre est grand, comme un médecin doit soigner tout le monde » et se dit prêt à défendre des personnalités comme George W. Bush ou Ariel Sharon, à condition qu'ils plaident coupables
De 1970 à 1978, Vergès disparaît. Il a toujours entretenu le mystère sur cette période. Aux journalistes qui lui demandent s'il était au Liban, à Moscou ou s'il travaillait pour les Khmers rouges au Cambodge, il répond qu'il était « très à l'est de la France » et « avec des amis qui sont encore vivants, dont certains ont des responsabilités importantes. »
Dans le documentaire L'Avocat de la terreur, de Barbet Schroeder, Vergès reconnaît avoir ponctuellement séjourné incognito à Paris pendant cette période. Le cinéaste retient également la thèse d'un problème financier personnel comme seule cause de sa disparition. Toujours est-il que, lorsqu'il reparaît à Paris en 1978, il dispose de moyens financiers importants, dont l'origine est inconnue.
Durant ces années d’absence, Djamila Bouhired obtient le divorce.
En 2008, il se met en scène au théâtre de la Madeleine, dans Serial Plaideur.
En mai 2011, il se rend à Tripoli avec Roland Dumas et s'y porte volontaire pour soutenir une plainte des familles des « victimes des bombardements de l'OTAN » contre le président Nicolas Sarkozy, dont le pays participe aux opérations de la coalition internationale en Libye.
Le 15 août 2013, alors hébergé chez sa compagne Marie-Christine de Solages à l'hôtel de Villette, Vergès succombe suite à une crise cardiaque dans la chambre même qui vit mourir Voltaire. Son état de santé s'était dégradé dans l'année après une chute, bien que son état intellectuel fût intact.
Vergès meurt ruiné, laissant derrière lui 600 000 euros de dettes diverses : notamment, il ne réglait plus ni ses loyers ni ses impôts. Son vieux compère Roland Dumas confirme : « À la fin, je lui prêtais de l'argent. Il en devait au fisc, à la Sécurité sociale. Il m'appelait pour me demander de l'aider. ». Le montant de ses obsèques (20 000 euros) aurait été réglé par l'ordre des avocats de Paris.