Jean-Pierre Vernant (né à Provins (Seine-et-Marne) le 4 janvier 1914, mort à Sèvres (Hauts-de-Seine) le 9 janvier 2007), fils d’un agrégé de philosophie, fait sa scolarité au lycée Carnot à Paris, puis à Louis-le-Grand pour une année d’hypokhâgne.
Universitaire, Résistant Exclu en 1970 |
Son père, Jean Vernant, est directeur du journal républicain et anticlérical Le Briard, fondé par son propre père à Provins à la fin du XIXe siècle. Socialiste avant la Grande Guerre, il s’est engagé volontairement en 1914, bien qu’il soit réformé, et est tué au front en 1915. Orphelin à l’âge de neuf ans, après le décès de sa mère, Jean-Pierre Vernant, comme son frère Jacques, est élevé par sa tante
Vernant s’inscrit, en 1933, à la Sorbonne. Licencié de philosophie en 1934, il prépare son Diplôme d’études supérieures sur la vie et l’œuvre de Diderot.
Il adhère comme son frère, à la Ligue d’action universitaire républicaine et socialiste (LAURS). En 1932, il adhère aux Jeunesses communistes, puis au Parti communiste. Dans ce contexte militant, il noue de solides liens d’amitié avec Lucie et Raymond Aubrac, Victor Leduc, Jean Maitron, Jean et Mireille Miailhe.
Il est reçu premier à l’agrégation en 1937, comme son frère deux ans plus tôt (cas unique dans l'histoire de l'agrégation).
Il fait son service militaire, intégrant, à sa demande, les Chasseurs alpins, mais auparavant il rend sa carte du PCF, en 1937, suivant ainsi les recommandations du parti.
Consterné par l’annonce du Pacte germano-soviétique, il rejette la position de la direction du PCF qui, considère la guerre comme une lutte entre puissances capitalistes. Il s’engage immédiatement dans la lutte contre l’occupant et Vichy. Démobilisé à Narbonne, à l’été 1940, il colle dans les rues de la ville, avec son frère, des papillons « Vive l’Angleterre pour que vive la France ». À la rentrée, il est nommé au lycée de Toulouse. Il entre dans les réseaux de résistance du mouvement Libération par l’intermédiaire des Aubrac, et participe très tôt à la formation de groupes paramilitaires.
En novembre 1942, il assume le commandement des groupes de résistance militaire pour le département de la Haute-Garonne. Commandant des Forces françaises de l'intérieur (FFI) de Haute-Garonne (sous le nom de colonel Berthier), il organise la libération de Toulouse (19 août 1944) sous les ordres du colonel Ravanel, chef régional des FFI. Après l'accident de moto de celui-ci (septembre 1944), Vernant devient chef régional.
À la Libération, il joue un rôle majeur, organisant le plan de l’insurrection de Toulouse et assurant le commandement des troupes de la région R4.
Il reçoit pour son action plusieurs décorations, notamment celle des Compagnons de la Libération.
À la Libération, il refuse de rester dans l’Armée comme lui suggère le PCF.
En 1946, il obtient un détachement au CNRS et en 1948, il est recruté comme attaché de recherche. A partir de 1952, il est chargé de recherche, et pendant huit ans, membre de la commission sociologie du CNRS, puis, durant quatre ans, de celle de langues et civilisations classiques.
En 1945, il adhère de nouveau au PCF. Il enseigne un temps dans les écoles du parti et collabore, entre 1946 et 1948, au journal communiste Action, publiant chaque semaine un article de politique étrangère.
Il publie dans La Pensée et dans La Nouvelle critique plusieurs articles et comptes rendus, que ce soit sur le programme de « psychologie historique » d’Ignace Meyerson ou sur le travail et les techniques en Grèce ancienne et en « société socialiste ».
A partir du XXe Congrès du PCUS en 1956, il est en opposition avec la ligne du PCF.
Favorable à la ligne suivie par le Parti communiste italien, il prend une part active à la dissidence de la cellule Sorbonne-lettres, qui, dans une lettre adressée au Comité central, dénonce les « erreurs commises » par le PCF, aussi bien quant à la politique d’unité avec les socialistes que sur le «problème algérien». Cette lettre appelle aussi à « un examen sérieux des fautes passées et de leurs raisons », à « un redressement de la ligne du Parti » et à un changement radical du « style de travail, toujours trop sectaire et autoritaire ». Avec d’autres militants (Victor Leduc, Robert Brécy, Jean Chaintron, Paul Tillard, Claude Morgan, Yves Cachin), il publie, à partir de 1956, le bulletin «clandestin» L’Étincelle, « pour le redressement démocratique et révolutionnaire du PCF ». Ce bulletin fusionne en 1957 avec Tribune de discussion. Cette contestation interne au PCF prend une forme publique à partir de 1958, avec la création de la revue Voies nouvelles, vendue en kiosque, dirigée par Louis Gernet. Cette revue s’attaque tout particulièrement à la politique algérienne du PCF.
Vernant avec Pierre Vidal-Naquet, participe au Comité Audin et signe nombre de pétitions en faveur de l’indépendance algérienne (Appel des 121), ce qui lui vaut de vifs reproches des dirigeants communistes.
Il est nommé, en 1958, directeur d’études à la VIe section de l’EHESS.
En 1966, Vernant n’est pas convié à la réunion des philosophes communistes organisée à Choisy-le-Roi, en préparation du Comité central d’Argenteuil (mars 1966), consacré aux questions intellectuelles : « Étant membre du Parti, et depuis près de 35 ans, je suis étonné de n’avoir pas été invité à participer aux débats des philosophes communistes. Je le regrette beaucoup », écrit-il à la direction du PCF.
En mai 1968, il signe, avec une trentaine d’intellectuels communistes (notamment Jean Chesneaux et Madeleine Rebérioux), une lettre collective, critiquant l’incapacité du PCF à prendre en compte l’ampleur et la nouveauté de la lame de fond étudiante et lycéenne, appelant à l’ouverture du dialogue avec les étudiants, et exigeant que le parti s’explique sur sa stratégie. La direction du PCF organise, en réaction, deux journées de discussion avec des universitaires communistes, au cours desquelles Vernant critique fermement la ligne suivie par le PCF.
Fin 1969, la nomination de Georges Marchais à la tête du PCF (comme secrétaire général adjoint) entraîne son départ du PCF, dont il est officiellement exclu en 1970.
Vernant décide, avec d’autres collègues engagés comme lui à gauche (Maxime Rodinson, Maurice Godelier, André-Georges Haudricourt, Charles Malamoud, Jean-Paul Brisson, Elena Cassin, Jean Yototte, Jean Bottero), de se réunir régulièrement pour réfléchir, « en marxistes » et dans une perspective comparatiste, sur les faits sociaux communs aux différentes sociétés (le rapport à la terre, le problème du pouvoir, le problème de la guerre). Ce collectif prend une forme institutionnelle, avec la création, en 1964, du Centre des recherches comparées sur les sociétés anciennes, qui deviendra plus tard le Centre Louis Gernet, se recentrant alors davantage sur l’étude de la Grèce ancienne.
Sensible aux approches de Claude Lévi-Strauss, Georges Dumézil et Michel Foucault, il situe sa démarche « à la jonction du marxisme et du structuralisme ».
En 1975, il est élu professeur au Collège de France, à la chaire d’étude comparée des religions antiques.
Ses interventions publiques restent nombreuses, surtout contre le racisme, la xénophobie et le négationnisme (soutien aux sans-papiers, défense des juifs persécutés, etc.).
A partir des années 1970, il s’engage activement en faveur des milieux dissidents d’Union soviétique. Il est un membre actif du Comité créé en soutien à l’écrivain Eduard S. Kuznetsov et à ses amis, emprisonnés en 1970 pour « haute trahison », après avoir tenté de quitter illégalement le territoire soviétique. Avec Jacques Derrida, il crée, en 1981, l’Association Jan Huss, dont l’objectif était de « fournir une aide matérielle et morale aux enseignants et étudiants tchécoslovaques qui n’ont plus, dans les conditions actuelles, la possibilité de poursuivre leurs travaux, leurs recherches ou leurs études », en organisant des séminaires clandestins de professeurs français, l’envoi de livres et de revues ou encore en finançant des bourses de recherche.
En février 1979, il fait partie des 34 signataires de la déclaration rédigée par Léon Poliakov et Pierre Vidal-Naquet pour démonter la rhétorique négationniste de Robert Faurisson.
En 2006, dans le cadre des Lundis du Collège de France, Vernant donne une conférence sur l'Odyssée au lycée Le Corbusier d'Aubervilliers, établissement classé en ZEP.
Durant ses années estudiantines, il rencontre sa future femme, d’origine russe, Lida née Nahimovich, professeur de russe, qu’il épouse en 1939. Ils ont une fille en 1940.
Sources
Jean Pierre Vernant – Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - Isabelle Gouarné
Jean Pierre Venant - Wikipédia
Publications
Les Origines de la pensée grecque, PUF, 1962,
Mythe et pensée chez les Grecs. Études de psychologie historique, F. Maspero, 1965, Problème de la guerre en Grèce ancienne, avec P. Vidal-Naquet, Éditions EHESS, 1968, Mythe et tragédie en Grèce ancienne, F. Maspero, 1972,
Mythe et société en Grèce ancienne, F. Maspero, 1974,
Religion grecque, religions antiques, F. Maspero, 1975,
Les Ruses de l’intelligence. La mètis des Grecs, Flammarion, 1974,
Religions, histoires, raisons, F. Maspero, 1979,
La Mort dans les yeux. Figures de l’Autre en Grèce ancienne, Hachette, 1985,
Corps des dieux, Gallimard, 1986,
Œdipe et ses mythes, avec P. Vidal-Naquet, Bruxelles, Complexe, 1988,
Travail et esclavage en Grèce ancienne, avec P. Vidal-Naquet, Bruxelles, Complexe, 1988,
L’individu, la mort, l’amour. Soi-même et l’autre en Grèce ancienne, Gallimard, 1989,
Mythe et religion en Grèce ancienne, Seuil, 1990,
La Grèce ancienne, avec P. Vidal-Naquet Seuil, 1990-1992, 3 volumes,
L’homme grec, Seuil, 1993,
Dans l’œil du miroir, O. Jacob, 1997
Entre mythe et politique, Seuil, 1996,
L’Univers, les Dieux, les Hommes. Récits grecs des origines, Seuil, 1999,
La Traversée des frontières. Entre mythe et politique, Seuil, 2004.
Honneurs
Commandeur de la Légion d'honneur Commandeur de la Légion d'honneur
Grand officier de l'ordre national du Mérite Grand officier de l'ordre national du Mérite
Officier de l'ordre des Arts et des Lettres Officier de l'ordre des Arts et des Lettres
Ordre de la Libération Compagnon de la Libération
Croix de guerre 1939-1945 Croix de guerre 1939-1945
GRE Order of the Phoenix - Commander BAR.png Commandeur de l'ordre du Phénix
Prix Amic de l'Académie française, 1980,
Médaille d'or du CNRS, 1984,
Premio di Storia, San Marino, 1991
American Academy Award for Humanistic Studies, 1992
Docteur honoris causa : Université de Chicago ; Université de Bristol ;Université de Dublin ; Université de Naples ; Université d'Oxford ; Université Masaryk de Brno ; Université de Crète ; Nouvelle Université bulgare.
Groupe scolaire "école Jean-Pierre-Vernant", sur décision du conseil municipal de Toulouse
Collège de Château de l’Hers – Jean Pierre Venant, sur décision du conseil général de la Haute-Garonne