Albert Treint (né à Paris le 13 février 1889, mort à Paris le 25 octobre 1971), entre à l’Ecole Normale d’Auteuil, en octobre 1905, pour trois années de formation.
Son père est contrôleur dans les omnibus parisiens et sa mère ménagère.
Secrétaire général Exclu en 1928 |
Il s’engage ensuite dans l’armée en devançant l’appel. Il termine son service militaire avec le grade de sous-lieutenant, puis rejoint son premier poste d’instituteur à Asnières où il exerce de 1910 à 1913.
Il adhère au Parti socialiste SFIO, vers 1913.
Mobilisé le 2 août 1914 pour la Première Guerre mondiale, Treint prend part aux combats en Lorraine, puis dans la Somme sur le plateau de Notre-dame de Lorette, où il est grièvement blessé, le 12 mai 1915. Il est blessé une seconde fois, lors d’une offensive à Hangard dans la Somme.
Il retrouve son emploi d’instituteur dès le mois d’avril 1919.
Toujours militant à la SFIO, Treint s’engage dans les rangs du Comité pour la Troisième Internationale, organisation qui rassemble des socialistes partisans de la révolution bolchevique, des syndicalistes révolutionnaires et des syndicalistes anarchistes. Il adhère également à l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC) créée notamment par Henri Barbusse, Raymond Lefebvre et Paul Vaillant-Couturier.
Il contribue activement à faire basculer la majorité socialiste en faveur de l’adhésion à la Troisième internationale. Lors du Congrès de Tours, il est délégué de la fédération de la Seine et intervient lors de la première séance pour que soit débattue prioritairement la question de l’adhésion. Il élu le 30 décembre 1920, au premier Comité directeur du Parti communiste SFIC.
En mai 1921, Treint est arrêté à Nevers pour incitation de militaires à la désobéissance et condamné par le Tribunal correctionnel de cette ville à 200 F d’amende. Ce qui conduit à sa révocation en septembre 1921 de ses fonctions d’instituteur.
Après quelques mois de relative stabilité, la direction du PCF (SFIC) se divise entre trois tendances : la « droite » qui milite pour le retour à l’unité du mouvement socialiste, le « centre » auquel appartient le secrétaire général L-O Frossard et la « gauche », dont Treint devient l’un des principaux animateurs.
Devenu permanent du PCF et membre de sa tendance de « gauche », il est délégué au Congrès de Marseille (26-31 décembre 1921) et réélu comme membre suppléant au Comité directeur. Il en démissionne immédiatement, avec ses camarades de tendance Fernand Loriot, Amédée Dunois et Paul Vaillant-Couturier, pour protester contre l’éviction de Boris Souvarine par la « droite » et le « centre » du parti qui se sont unis afin de faire échec à celui qui symbolise, à leurs yeux, l’autoritarisme et l’ingérence de l’IC. La crise qui couve à l’intérieur du parti, éclate ainsi publiquement. Du 21 février au 4 mars 1922, Treint participe à Moscou au Ier Plénum de l’Exécutif élargi de l’IC qui le réintègre dans ses fonctions comme l’ensemble des représentants de la « gauche ». C’est au cours de ce plénum que, le 27 février, il défend de façon très particulière la tactique du Front unique combattue par la majorité de la direction du PC, dans une formule qui passe à la postérité : « Nous nous rapprochons et nous nous éloignons d’eux [les chefs réformistes] alternativement comme la main se rapproche et s’éloigne de la volaille à plumer. »
Au Congrès d’ octobre 1922, la tendance du « centre », parvient avec le soutien de la « droite », à battre la direction ainsi que les représentants de la « gauche ». Le « centre » décide d’assumer seul la direction du PC. Treint démissionne de ses différentes fonctions le 26 octobre, notamment de la rédaction de l’Humanité. Mais la « gauche » reçoit un appui décisif du IVe Congrès de l’IC (novembre-décembre 1922) au cours duquel est négocié un compromis entre le « centre » et la « gauche » sur la composition d’un nouveau Comité directeur [ 1 ]. Il est également décidé que le secrétariat général du parti sera « assuré sur (une) base paritaire par un camarade du centre et un de la gauche », les deux titulaires retenus par l’IC, seront Albert Treint et L.-O. Frossard. En raison du départ de Frossard dès le 1er janvier 1923 (pour son appartenance à le Franc-maçonnerie), c’est Louis Sellier qui, à l’issue du Comité directeur du 21 janvier 1923, devient secrétaire général, par intérim, en binôme avec Treint qui est également élu membre du Praesidium de l’IC.
Devenu secrétaire général et membre du Bureau politique, Treint ne peut occuper son poste en raison de son emprisonnement. En effet, pour avoir pris part à la Conférence internationale des partis communistes contre l’occupation de la Ruhr (Essen, janvier 1923), Treint est arrêté et inculpé de « complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat ». Libéré le 7 mai 1923, il entre rapidement en conflit avec ses anciens alliés de la tendance de « gauche » (Boris Souvarine, Pierre Monatte, Alfred Rosmer), qui lui reprochent ses méthodes autoritaires et ses déclarations outrancières. Depuis son appel à « plumer la volaille socialiste », Treint cultive une image de provocateur notamment en défendant un « impérialisme rouge ». Plusieurs dirigeants autour de Rosmer et de Souvarine s’inquiètent des conflits qui minent la fédération de la Seine et mettent en cause Suzanne Girault qui a l’appui indéfectible de Treint. Mis en minorité et désavoué lors du 3e congrès national (Lyon, 20-23 janvier 1924), Treint perd son poste de secrétaire général et sa place au BP, et devient représentant du Parti communiste à Moscou. Cette mise à l’écart se déroule dans un contexte tendu, après des heurts sanglants avec les anarchistes lors d’un meeting tenu à la Grange-aux-Belles, le 11 janvier 1924. La responsabilité de Treint dans la mort de trois militants ouvriers (il a organisé une service d’ordre armé et aurait donné l’ordre de tirer), contribue à affaiblir sa position au sein du parti.
Au contraire de Souvarine, qui refuse de prendre position dans le conflit consécutif à la maladie et à la mort de Lénine, qui oppose les dirigeants du parti communiste russe, Treint revendique haut et fort son soutien à la troïka (Staline/Zinoviev/Kamenev). L’IC manœuvre alors et impose le retour de Treint au Bureau politique et écarte Souvarine (soupçonné de tendance trotskiste). Dès lors, et durant les deux années suivantes, Treint devient le propagandiste infatigable de la bolchevisation du parti, qui passe par une réorganisation complète de la structure organisationnelle et la chasse aux opposants (Souvarine, Monatte, Rosmer), exclus au nom de la lutte contre le trotskisme. Il séjourne à Moscou entre mai et novembre 1924, laissant Suzanne Girault et ses partisans mener la réorganisation sur la base des cellules d’entreprise.
À son retour en France, il impulse une ligne politique qui mêle mots d’ordre d’action révolutionnaire (contre l’impérialisme, le militarisme, le capitalisme…), diatribes contre les socialistes accusés de soutenir le fascisme, chasse aux opposants, qui débouche sur une série de désastres politiques et une grave crise intérieure. Prenant conscience des difficultés et du mécontentement dans le PCF (SFIC), Treint s’allie au BP avec Doriot et prône un changement de ligne, avec l’espoir de minorer sa responsabilité dans l’échec de la bolchevisation. Confronté aux critiques de ses anciens alliés (Suzanne Girault, Pierre Semard) et de l’opposition, Treint perd le soutien des dirigeants russes. Il est écarté de la direction et maintenu contre son gré au poste de représentant du PCF à Moscou.
A son retour en France, il prend fait et cause pour l’Opposition russe, menée par Trotski et Zinoviev et devient le leader, au côté de Suzanne Girault de « l’opposition de gauche ». À la suite de plusieurs déclarations accusant Staline et la direction de l’IC de mener une politique contre-révolutionnaire, il est exclu du Comité directeur puis du PCF, lors d’une Conférence nationale, le 1er février 1928.
Il participe alors avec Suzanne Girault à la publication d’une revue intitulée Unité léniniste qui doit rassembler la « gauche bolchevik-léniniste ». Mais un mois seulement après son exclusion, Treint rompt avec L’Unité Léniniste et fonde avec quelques partisans le « Comité pour le redressement du parti français et de l’Internationale ». En France, plusieurs groupes se réclament de l’opposition de gauche et chacun cherche à constituer un pôle de rassemblement en s’appuyant sur le nom de Trotsky.
Treint entretient une correspondance avec Trotsky et tente de faire prévaloir la légitimité de son groupe en tant que pôle de rassemblement. Cependant, les autres leaders de l’opposition (Paz, Rosmer, Souvarine) récusent toute alliance avec celui que l’on qualifie de « zinoviéviste » et que l’on considère comme responsable de la bolchevisation du PCF.
En 1931, Treint noue des contacts avec les jeunes dirigeants (notamment Raymond Molinier) de la Ligue communiste et entre à la Commission Exécutive de ce groupe lors de la conférence nationale des 2-4 octobre 1931, et cela après s’être rendu à Prinkipo pour discuter avec Trotski des conditions de son ralliement. En conflit avec les autres dirigeants, il est exclu de la Ligue Communiste en avril 1932. Avec d’autres exclus (notamment Marc Chirik), il fonde la « Fraction de gauche (opposition) », mais entame parallèlement une réflexion qui l’amène à remettre progressivement en cause les fondements de la doctrine bolchevique, à rejeter en partie l’expérience historique de la révolution de 1917 et à prôner une nouvelle voie révolutionnaire.
Après avoir milité pour le redressement de l'Internationale communiste, il réclame la création d’une nouvelle organisation révolutionnaire et se rapproche des thèses d’une minorité de la gauche communiste qui voit dans l’URSS une forme de capitalisme d'État (contrairement aux trotskistes qui parlent d'« Etat ouvrier dégénéré »).
Après les émeutes du 6 février 1934, Treint décide d’adhérer à la SFIO, convaincu que le salut du mouvement révolutionnaire passe par le redressement de cette organisation. Il fonde un petit groupe qui publie la revue La Lutte Finale. Ses écrits, marqués par un antistalinisme virulent, l’amènent à repousser toute forme d’alliance entre socialistes et communistes et à dénoncer l’expérience du Front populaire.
Entre 1935 et 1939, Treint publie de nombreuses brochures dans lesquelles il établit un parallèle entre stalinisme, fascisme et nazisme, avec comme axiome l’existence d’une tendance générale au capitalisme d’Etat.
Révoqué de son poste d’instituteur pour la seconde fois, lors du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Treint part se réfugier dans la Nièvre puis rejoint l’armée de libération française. À compter de cette date, il semble se retirer de toute activité militante jusqu’à sa mort à Paris en 1971.
Il se marie avec Marie-Louise Colinest, avec qui il a un enfant, Fernand, né le 24 février 1914.
Notes et références
Sources
Albert Treint – Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - Michel Dreyfus
Albert Treint – Wiquipédia
Responsabilités au PCF
Secrétaire général : 21 janvier 1923 - 23 janvier 1924
Membre du Comité directeur : 30 décembre 1920 - 1er février 1928
Membre de l’Exécutif du l’IC
Publications
Le Militarisme français à l’œuvre au Maroc, Lib. de l’Humanité, 1925,
La Vérité sur la Chine, L’Unité léniniste, 1927,
Capitalisme d’État et IVe Internationale, L’Effort communiste, 1933,
Les Mystères du front unique, La Lutte finale, 1934.
Honneurs
Croix de guerre 1914-1918
Légion d’honneur, 1918