Pierre Brizon (né à Franchesse (Allier) le 16 mai 1878, mort à Paris le 1er avril 1923) entre dans le mouvement socialiste en 1898, au groupe des Étudiants collectivistes, alors qu’il est élève à l’École normale supérieure de Saint-Cloud.
DéputéExclu en 1922 |
Sa carrière de professeur est particulièrement mouvementée. Il enseigne tour à tour aux écoles normales d’instituteurs de Laval, La Rochelle, Alençon, Parthenay, puis passe dans les écoles professionnelles d’Armentières, Voiron, Marseille, et enfin dans les écoles pratiques de commerce et d’industrie de Narbonne, Clermont-Ferrand et Rennes. Militant remuant, libre penseur et pacifiste internationaliste, il attire sur lui les foudres de l’administration.
Le 17 juillet 1905, dans l’organe de la Fédération socialiste Le Droit du Peuple, il salue les marins mutinés du Potemkine et «leur éternelle gloire [...] d’avoir, les premiers, arboré sur un cuirassé du capitalisme et de la mort, le drapeau rouge du socialisme et de la vie». Le ministre de l’Instruction publique le blâme de n’avoir pas observé : «la réserve de langage que vous imposait votre qualité de fonctionnaire et de professeur».
En 1905, Brizon représente l’Isère au congrès d’unité à Paris (avril) et au premier congrès de la SFIO à Chalon-sur-Saône (en octobre).
Il se présente aux élections législatives de 1906, comme candidat socialiste, dans l’Isère, sans succès.
En 1907, il est élu au conseil général de l’Allier. Il l’abandonne son mandat en 1913, après
son élection comme député.
En 1908, il est élu maire de sa ville natale, Franchesse (Allier).
Bon orateur, à la tribune d’une assemblée de travailleurs, il sollicite son auditoire : «Voulez-vous que cela dure ? Alors restez désunis, éparpillés ; faites-vous la guerre les uns les autres ; fuyez les syndicats, fuyez le Parti socialiste ; fuyez l’instruction ; demeurez sans force, sans influence et sans voix ; sans vous plaindre, suez des rentes à vos maîtres qui ne font rien ; votez enfin pour les bourgeois. Au contraire, voulez-vous que cela cesse ? Voulez-vous en finir avec la vieille misère ? … Voulez-vous vivre enfin ? Si oui, vous avez un moyen, mais un seul, c’est l’union... Ne considérez qu’une chose : que tous vous faites partie de l’immense armée des exploités, de la grande famille des travailleurs. Et alors, unissez-vous dans vos syndicats ; unissez-vous dans le Parti du travail, c’est-à-dire le Parti socialiste, unissez-vous les jours d’élections, dans le vote en masse pour la République sociale des travailleurs contre la République bourgeoise des capitalistes».
Le 24 avril 1910, il est élu, au premier tour, député de la deuxième circonscription de Moulins (Allier).
Aux élections législatives de 1914, Brizon l’emporte à nouveau, au premier tour.
Le 8 juin 1911, il s’oppose, à la Chambre, au projet de loi du 5 avril 1910 établissant des retraites ouvrières pour les salariés de plus de 65 ans gagnant moins de 3 000 F par an. Il rejette, comme un vol, le principe de la cotisation des travailleurs qu’il propose de remplacer par un impôt sur les successions excédant 10 000 F. Le 15 juin, il met la cotisation du métayer à la charge du propriétaire ou du fermier général.
Aux approches de la guerre, Brizon combat la politique coloniale et militaire du gouvernement. Il proteste, le 15 mai 1913, contre le maintien sous les drapeaux de la classe libérable et, les 7 et 8 juillet, prononce un long discours contre la « loi de trois ans ». Le 19 juillet, il soutint deux amendements, l’un accordant aux soldats un prêt accru à chaque année de service, vingt-cinq centimes, cinquante centimes, un franc, l’autre interdisant l’emploi des soldats du contingent métropolitain dans les conquêtes coloniales.
En 1914, comme l’ensemble des élus de la SFIO, il rejoint l’Union sacrée. Mais sa position sur la guerre évolue au cours du conflit.
Du 24 au 30 avril 1916, avec ses deux collègues du Parlement, Alexandre Blanc et Jean Pierre Raffin-Dugens, il assiste à la seconde Conférence de l’Internationale socialiste, à Kienthal (Suisse) où sont représentés quarante-cinq pays neutres et belligérants des deux camps. Il y milite pour une paix immédiate et sans indemnités ni annexions (également appelée «Paix blanche»), assurant liberté et indépendance à tous les peuples.
Puis, le 24 juin 1916, toujours avec Raffin-Dugens et Blanc, il refuse pour la première fois en France, le vote des crédits de guerre. Brizon exprime en toute circonstances, son horreur de la guerre, sa recherche de la paix. Il est sanctionné à l’Assemblée, et subit une exclusion temporaire, en raison de ses interventions en faveur de la paix.
Dès les premiers jours de novembre 1915, il adhère au Comité pour la reprise des relations internationales (CRRI) qui se constitue autour de Albert Bourderon, Alphonse Merrheim et Léon Trotsky, et qui se veut le centre du pacifisme militant. Au long des années 1916 et 1917, il harcèle les gouvernements à propos de la conduite de la guerre. Il interpelle le 28 janvier 1916, sur les mesures prises ou à prendre au profit de la défense du pays ou pour conduire la guerre à sa fin «la plus rapide et la meilleure possible». Au cours des débats sur le recensement de la classe 1918, il dénonce, le 21 novembre 1916, les responsabilités de la Russie dans le déclenchement du conflit et étonne la Chambre en s’écriant «À bas la guerre !» Le 11 décembre, au cours d’une séance houleuse qui lui vaut l’expulsion temporaire, il chiffre les pertes matérielles et humaines de la guerre. Le 25 octobre, il réclame la mise à l’étude de toute proposition de paix.
Il collabore à l’organe de la minorité, Le Populaire. Il adhère au Comité pour la défense du socialisme international constitué en octobre 1916 et signe le manifeste qu’il adresse au Parti socialiste, à la veille du congrès national de décembre 1916.
Le 5 janvier 1918, Brizon lance La Vague, hebdomadaire «socialiste», «féministe». Il en assume la direction politique avec Marcelle Capy (qu’il épouse en 1922), écrivaine, qui en assure le secrétariat. Cet hebdomadaire conquiert en quelques mois une large audience (en 1921, il tire à 300 000 exemplaires). Ce journal est fondamentalement socialiste et pacifiste. Chaque numéro campe un compagnon de lutte, celui de Trotsky dans le premier numéro et celui de Lénine dans le quatrième.
Aux élections législatives de 1919, Brizon est battu.
Après le Congrès de Tours, Brizon adhère au Parti communiste (SFIC). Il est l’un des porte-parole de la «droite ». La commission des conflits le blâme en janvier 1922. Le Comité directeur réuni le 17 août 1922, condamne sa collaboration au journal la Tribune du Centre. La commission des conflits est saisie de son cas, en septembre. Et finalement, il est exclu du PCF (SFIC), le 19 octobre 1922, lors du congrès de Paris.
Avec Georges Pioch et Victor Méric, il crée l’Union socialiste-communiste (USC) dont l’objectif est la reconstitution de l’unité ouvrière.
Marcelle Capy, l’épouse de Brizon, co-animatrice de La Vague, éditorialiste, tombe dans un mysticisme néo chrétien et rédige des articles faisant appel à des citations de la Bible et de l’Evangile selon Saint Mathieu. Le drame éclate en avril 1923 et Marcelle Capy quitte La Vague et Brizon.
En mai 1923, ruiné, dépossédé de son titre, Brizon abandonne La Vague pour lancer la Vague ouvrière et paysanne, organe du Bloc des Rouges, qui combat le bloc national. Le journal parait jusqu’à sa mort.
Sources
Pierre Brizon – Dictionnaire biographique du monde ouvrier - Justinien Raymond, Georges Rougeron
Pierre Brizon: pacifiste, député socialiste de l'Allier, pèlerin de Kienthal, Pierre Roy, Edition Créer, 2004
Mandats électifs
Maire de Franchesse : 1908 - 1919
Député de l’Allier: 1910 - 1919
Publications
Précis d’Histoire contemporaine (2 vol.).
Histoire du Travail et des Travailleurs, Paris, Librairie du Parti socialiste.
La France dans les temps modernes.
L’Église et la Révolution, publié chez Delagrave.
Liens
Déclaration du Citoyen Brizon. Chambre des Députés (Séance du 24 juin 1916).