Les parents d’Antoine Porcu sont natifs de Lula, un village de montagne de Sardaigne, issus de familles de paysans et artisans. Le père, connu pour ses idées communistes, doit s’exiler avec sa femme et ses trois jeunes enfants en 1924. Après avoir traversé la frontière clandestinement à Modane, ils parviennent à Longwy où vivait une importante colonie sarde. La dernière née de la famille meurt à l’arrivée en France. Antoine lui, né après l’arrivée de sa famille en France.
DéputéDépart en 1985 |
Le père, ouvrier comme tous les voisins, devient président d’une organisation d’immigrés proche du PCI, puis adhère au PCF. Encore gamin, Antoine Porcu (né à Longwy (Meurthe-et-Moselle) le 29 juillet 1926, mort à Arles (Bouches-du-Rhône) le 1er mars 2017) est interpellé pour avoir distribué un journal politique en italien pendant une manifestation.
En 1940, avant l’invasion allemande, le père et son frère aîné restent réquisitionnés à Longwy, mais le reste de la famille est évacué en Gironde, à Soulac-sur-Mer. Au cours d’un bain de mer, Antoine voit son frère Jean Marie se noyer sous ses yeux, alors que lui est secouru par un soldat allemand.
Porcu trouve d’abord un petit emploi à la mairie de Soulac, puis dans une forge bordelaise succursale d’une usine de Longwy, avant d’être réquisitionné pour la construction du mur de l’Atlantique. En 1942, convaincu par la propagande vichyste, il se porte volontaire pour travailler en Allemagne en espérant gagner ainsi la libération du fiancé de sa sœur prisonnier de guerre, mais il est refusé en raison de son jeune âge. La famille regagne Longwy en 1943, et il est embauché aux Aciéries. Porcu intègre un triangle de jeunes communistes résistants, distribue tracts et journaux clandestins et colle des affichettes. À la Libération, il adhére à la CGT et est nommé responsable local des Jeunesses Communistes. En septembre 1944, il s’engage pour la fin de la guerre. Incorporé dans la Marine, son affectation est retardée de plusieurs mois, car il est blessé lors d’un bombardement pendant la contre-offensive des Ardennes. Devenu fusilier-marin, il est envoyé en Algérie, où il reste six mois, de là il arrive à Toulon, où il est remarqué comme « forte tête » et débarqué et affecté au bureau des pensions à Paris jusqu’en 1948.
Il adhère formellement au PCF en 1947, à Paris, et suit une école de section. Repéré comme communiste pour avoir diffusé le journal France d’abord, il est réembarqué sur un contre-torpilleur à Cherbourg.
Après trois ans d’armée, il regagne Longwy en 1948, occupe différents emplois en usine ou dans le bâtiment, avant de retrouver une place aux Aciéries. Après une grève en 1951, la direction syndicale étant décapitée, il devient délégué du personnel et membre du CE. Il est promu secrétaire du syndicat CGT de l’usine de Mont-Saint-Martin (cinq mille ouvriers) et membre du secrétariat de la section PCF de Gouraincourt. Ayant suivi début 1952 l’école centrale de la CGT puis l’école fédérale du parti, il intègre le comité fédéral de Meurthe-et-Moselle.
Aux élections municipales de 1953, il est élu sur la liste de gauche à Longwy, dirigée par le socialiste Édouard Legras. Cette même année, une autre grève aux aciéries est perdue après des affrontements entre piquets de grève et CRS. Il est licencié en compagnie d’une douzaine de leaders ouvriers. Il perd aussi son logement qui appartient à l’usine, mais il est relogé en HLM. Par contre, il ne retrouve pas d’embauche durable. Il vient d’avoir un fils et ne peut nourrir sa famille que grâce à la solidarité des voisins. Le PCF lui propose alors de devenir permanent, ce qu’il accepte malgré la baisse de salaire qui en résulte. Il suit l’école centrale d’un mois. Il est alors coopté au bureau fédéral de Meurthe-et-Moselle du PCF pour le bassin de Longwy.
Parmi ses fonctions, il doit créer un comité lorrain de la FSGT (Fédération sportive et gymnique du Travail), dont il devient secrétaire pendant plusieurs années. Il acquit alors la réputation de spécialiste du sport ouvrier. Il reste aussi secrétaire du syndicat des Aciéries de Longwy.
En 1958, toujours membre du secrétariat régional de la FSGT et du bureau fédéral du PCF, il est marqué par l’arrivée de De Gaulle et la défaire aux élections : les deux députés communistes du département, Maurice Kriegel-Valrimont, membre du comité central, et Louis Dupont, secrétaire fédéral, sont battus ; la liste de gauche à Longwy est aussi battue aux élections municipales.
Au cours de l’été et l’automne 1960, son avenir militant est débattu entre les instances fédérales et nationales. Ces dernières, sous la signature de Gaston Plissonnier et Guy Ducoloné, souhaitent l’affecter comme journaliste sportif à l’Humanité, alors que la fédération pensait l’intégrer à son secrétariat tout en lui laissant le titre de président régional de la FSGT. Porcu lui-même penchait pour cette deuxième option. C’est celle qui s’imposa finalement, appuyée par un argument solide : « Ce camarade a dans toute la cuvette du bassin de Longwy une très grande autorité acquise après des années de lutte à l’usine, dans le Parti, au sein des organisations de masse, CGT et FSGT. Enlever ce camarade […] c’est faire bon marché du capital politique qu’il représente dans ce bassin industriel. »
Sa promotion, comme secrétaire à la propagande, est confirmée en 1961, puis les années suivantes. A partir de 1966, quand l’appareil départemental du PCF est scindé en deux, il est le secrétaire de la fédération nord du département.
Il se maintient à ce poste jusqu’en 1979. En 1987, il n’est maintenu qu’au comité fédéral, puis retiré sous prétexte qu’il n’ « habitait plus dans le département ».
Il est battu aux municipales de 1965, alors qu’il dirige cette fois la liste à Longwy. Il subit à nouveau une défaite identique en 1971, alors qu’en 1977, la liste d’union de la gauche emmenée cette fois par Jules Jean remporte la majorité, et est reconduite en 1983.
Sa candidature au Comité central, proposée en 1972, au XXe congrès, a été refusée.
Antoine Porcu a davantage de succès aux élections cantonales et législatives. En 1973, lorsque l’union de la gauche s’affirme, il est élu conseiller général dans le nouveau canton de Villerupt, une ville voisine de Longwy, ouvrière comme elle et à la population majoritairement d’origine italienne. Il est réélu en 1979.
Aux législatives, d’abord battu lors du raz-de-marée gaulliste de 1968, il perd encore en 1973, et finit par gagner son siège de député en 1978 contre le candidat de droite Bernard Labbé, fils du patron de forges qui l’avait licencié en 1953. Sur proposition du président du groupe communiste à l’Assemblée, Robert Ballanger, il élu comme vice-président, et désigné parmi les représentants français délégués à l’assemblée européenne. Au Palais-Bourbon, il est membre de la commission de la production et des échanges. Ses interventions les plus marquantes sont d’abord le 14 mars 1979, une adresse au premier ministre Raymond Barre où il met en garde contre les conséquences des fermetures d’usines dans sa circonscription, puis le 28 juin de la même année une question préalable dirigée contre le ministre de l’intérieur Christian Bonnet où il dénonce sa politique d’immigration. Mais il est battu en 1981 aux élections législatives qui suivent l’élection de François Mitterrand.
Les premières alertes aux fermetures frappant le bassin de Longwy apparaissent dès 1967. Les luttes sociales secouent le bassin industriel lorrain. Le 24 février 1979, quand une manifestation tourna à l’émeute, Antoine Porcu parvint de justesse, avec un ou deux autres leaders, à empêcher la foule de prendre d’assaut le commissariat de Longwy. La colère se détourne contre le siège de l’union patronale qui est saccagé.
En octobre 1981, le président François Mitterrand fait un déplacement à Longwy. La nationalisation de la sidérurgie donne alors un espoir aux ouvriers du fer. Plus tard, retraçant le bilan de ces luttes, Antoine Porcu considère que le PCF a «eu tort» de soutenir coûte que coûte la survie de la sidérurgie lorraine, « pas assez rentable » selon lui, même s’il en tient d’abord pour responsables le patronat et l’État gaulliste. Il critique le refus communiste des aciéries électriques soutenues par Jean-Pierre Chevènement lorsqu’il est ministre de l’industrie dans le gouvernement de Pierre Mauroy.
Lui-même, battu aux législatives en 1981, est choisi comme attaché parlementaire par Charles Fiterman, ministre des transports, un des quatre communistes du gouvernement de Pierre Mauroy. Il travaille alors au 246 boulevard Saint-Germain, et se réjouit qu’un ouvrier, titulaire d’un simple CEP, tout comme son ministre d’ailleurs, peut accéder à une si haute fonction. Il participe notamment à plusieurs réunions à Calais et Boulogne-sur-Mer en vue de la construction du tunnel sous la Manche. Il accompagne aussi son ministre pour un voyage à Conakry, en Guinée, en 1983.
Lors de son premier voyage en Union soviétique, en 1953 pour le trente-sixième anniversaire d’Octobre, avec Gaston Monmousseau et René Le Guen, il est frappé par la mauvaise qualité du travail en usine. Au deuxième voyage, invité au festival mondial de la Jeunesse de 1957 en tant que secrétaire régional de la FSGT, il est choqué de l’incurie (et il utilise un mot plus cru) soviétique. La même impression en 1976 quand il accompagne une délégation cégétiste de Meurthe-et-Moselle : « la désorganisation, le je-m’en-foutisme, l’alcoolisme ». Malgré ces mauvaises impressions, il reconnaît avoir soutenu assez tardivement le régime soviétique.
D’après lui, la rupture de l’union de la gauche par Georges Marchais lors de la constitution du gouvernement de Laurent Fabius dans l’été 1984 est un « coup de théâtre » pour les autres membres du bureau politique. Le même jour, ne se doutant de rien, il a été nommé président de l’Office national de la Navigation. Fiterman, qui quitte son ministère, lui aurait dit d’accepter le poste. Il en est débarqué lorsque la droite revint au pouvoir au 1987, mais le président Mitterrand lui accorda alors la Légion d’Honneur. C’est Henri Rol-Tanguy, qui l’avait aidé pour sa campagne électorale de 1973, qui lui remit la décoration dans les salons de l’Assemblée nationale. Mais à la cérémonie, Porcu déplorait qu’aucun de ses anciens supérieurs hiérarchiques au PCF n’ait été présent, ni Fiterman ni Gaston Plissonnier, et que l’Humanité n’y ait pas même consacré un entrefilet.
Les conséquences des dissensions emportèrent les principales têtes du communisme lorrain. Albert Falcetta renonça en 1977 à diriger la section de Lorraine-Escaut, et pour finir, sa carte n’est plus renouvelée en 1991. Antoine Porcu subit la même mésaventure, «écarté du Parti sans avoir jamais su pourquoi», à partir de 1985. Porcu insinue qu’il a été victime de son acceptation du poste à la présidence de la Navigation.
En 1997, Antoine Porcu lance en compagnie de Pierre Olivieri l’initiative «Mémorial vivant», destinée à honorer les étrangers morts pour la France au cours de la Seconde Guerre mondiale. Lors d’un rassemblement au Trocadéro au mois d’août, pour l’anniversaire de la Libération de Paris, les noms de ces martyrs furent lus à haute voix pendant douze heures d’affilée.
Une fois rejeté du PCF, Antoine Porcu ne rompt pas avec ses anciennes attaches partisanes, puisque, après avoir rédigé son livre autobiographique, il consacre quatre ouvrages illustrés de photographies à honorer les héros de la résistance communiste, hommes, femmes et syndicalistes.
Le 17 décembre 1949, il épouse Maria Rossi, une fille d’immigrés d’Italie du nord, responsable locale des Jeunes Filles de France, décédée d’un cancer en 1973. Antoine Porcu se remarie en 1978 avec une fille d’immigrés polonais Jacqueline Rozniakowski, elle aussi militante communiste (fille de Françoise Liberator, résistante, condamnée à mort, internée en 1944 à Ravensbrück, rapatriée à la Libération).
Sources
Antoine Porcu – Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - Marc Giovaninetti
«J'en ai fait de la route depuis Longwy», Libération, 26 août 1999, Jean-Baptiste Marongiu
Mandats électifs
Député : 1978 - 1981
Responsabilité au PCF
Secrétaire fédéral de Meurthe et Moselle : 1961 - 1966
Secrétaire fédéral de Meurthe et Moselle Nord : 1966 – 1979.
Publications
Aventures et mésaventures d’un Franco-Sarde atypique, Éd. La plus haute Tour, 1999
Héroïques. Ils étaient communistes, Hachette, 2003.
Héroïques. Cégétistes et communistes, résistants de la première heure, Geai bleu, 2005.
Héroïques. Femmes en Résistance, 2 tomes, Geai bleu, 2006 et 2007.
Honneurs
Légion d’honneur