Fils d’une famille ouvrière des Ardennes de sept enfants, Albert Vassart (né à Apremont-sur-Aire (Ardennes) le 24 mai 1898, mort à Paris le 12 février 1958) obtient le certificat d’études primaires en 1909.
Membre du Bureau Politique Départ en 1939 |
Il entre comme apprenti mouleur en juillet 1910, dans l’entreprise de son père, les forges de Pompey (où celui-ci travailla quarante ans comme mouleur).
Il adhère au syndicat en 1913, à l’âge de quinze ans.
Vassart travaille près de Longwy (Meurthe-et-Moselle) lors de la déclaration de guerre. Prisonnier civil, les Allemands l’envoient au camp de Grafenworh, en Bavière, d’où il est rapatrié en février 1915, avec les jeunes de moins de dix-sept ans.
Revenu en France, il travaille dans des usines de guerre, en Haute-Marne et dans la région parisienne, notamment de février 1916 à mars 1917 aux Usines et Fonderies d’Argenteuil (Val-d’Oise).
Lorsqu’il part à l’armée en mai 1917, il est affecté au 508e régiment de chars de combat de Châlons-sur-Marne, comme caporal. Sur le front Nord, Vassart est décoré de la Croix de guerre.
Après l’armistice, son retour à la vie civile coïncide avec les grandes grèves de mai 1920.
Vassart rejoint sa famille dans l’Eure et travaille deux mois à Pitres, filiale des Aciéries de Pompey, puis se fait embaucher à l’entreprise métallurgique Nanquette dans le nord de la région parisienne, pendant l’été 1920. C’est de retour dans les Ardennes qu’ouvrier mouleur à Mézières, il s’affirme rapidement comme un militant syndicaliste actif.
La situation économique oblige Albert Vassart à quitter son département en 1921 pour la région parisienne, puis la Meurthe-et-Moselle et la Moselle, sans avoir une activité syndicale suivie. A Sedan (Ardennes), il fait la connaissance d’un ingénieur des Ponts et Chaussées qui lui fait découvrir les idées libertaires mais aussi, même en le critiquant, le marxisme. «Jusqu’en 1923 j’étais anarcho-syndicaliste et le parti ne m’inspirait aucune confiance.»
Secrétaire de l’Union départementale CGTU des Ardennes depuis son retour à Charleville, en juin 1922, Albert Vassart siége au conseil national de la Fédération des Métaux où, pour la première fois en avril 1923, il vote contre le courant qu’il qualifie d’"anarcho-syndicaliste". Licencié en septembre 1922, il se voit refuser du travail dans sa spécialité jusqu’à son départ à Paris en novembre 1924, où il doit faire divers métiers.
L’action contre l’occupation de la Ruhr l’ayant amené à fréquenter les groupes communistes, il donne son adhésion au PCF (SFIC) en octobre 1923. Trois mois plus tard, il est délégué au Congrès de Lyon (janvier 1924). Il suit les cours de l’École léniniste de Bobigny (Seine-Saint-Denis), en 1925. À l’issue de cette formation, il est nommé secrétaire de la Région communiste du Nord-Est.
Au Congrès de janvier 1925, il est élu à la Commission centrale de contrôle politique. Et c’est au Congrès de juin 1926 qu’il est nommé au Comité central.
En septembre 1925, Albert Vassart est appelé par Octave Rabaté au secrétariat de la Fédération des Métaux où il reste jusqu’en juin 1929. Il y est à la fois un homme de terrain qui rend visite aux syndicats et anime les grèves, comme la grande grève de Château-Regnault (Ardennes) de mars à novembre 1926, et en même temps un théoricien qui expose dans les congrès les positions de la CGTU sur la rationalisation, le chômage, l’organisation syndicale, etc. Son rapport sur La Stratégie des grèves présenté au Comité confédéral national de septembre 1926, est publié et connaît un large écho : «Jusqu’à maintenant nous avons pratiqué la grève au petit bonheur, nous avons bataillé un peu par tradition et beaucoup par instinct. Il est temps de passer à une méthode un peu plus étudiée».
Tuberculeux, Albert Vassart est affaibli par un travail intense. Fin 1927, il doit interrompre ses activités et séjourner dans un sanatorium.
En 1927, il assiste à Moscou, au 10e anniversaire de la Révolution.
Il critique la nouvelle tactique « classe contre classe » et fait parti des treize membres du Comité central ; qui refusent son approbation à la conférence nationale des 30 janvier-2 février 1928. Délégué au IXe plénum du Comité exécutif du Komintern du 9 au 25 février, il a l’occasion d’être reçu par Joseph Staline, avant de participer au IVe congrès de l’Internationale syndicale rouge (ISR).
Pendant ce séjour à Moscou, il retrouve une militante allemande Cilly Geisenberg, rencontrée une première fois à Liège en décembre 1927 et qu’il épousera le 15 septembre 1931.
Ses problèmes de santé s’aggravant, Albert Vassart part pendant l’été 1929 dans une station thermale de la forêt Noire. A son retour le parti lui apparaît « en train de se décomposer », les camarades se laissent aller à ce que l’on pourrait appeler une « politique de liquidation ».
Il est nommé membre du secrétariat du parti, en octobre 1929. Albert Vassart ne peut taire son opposition. Délégué à Moscou au présidium élargi en février 1930, il critique l’analyse de la «radicalisation des masses». Son rapport à la conférence nationale de mars 1930 est blâmé par le Bureau politique (BP) qui l’accuse de sous-estimer le danger opportuniste et d’exagérer les déformations gauchistes.
A cette époque, il est découragé et sans doute épuisé physiquement, il s’interroge sur le fonctionnement de PCF dont il est devenu l’un des principaux dirigeants. Il écrit à Cilly : «Je suis en train de devenir un “suiveur” politique alors que jusqu’à présent j’ai été un “animateur”. Quelquefois, trop souvent, l’envie me prend de tout laisser, pour retrouver une liberté de penser et d’agir que j’ai perdue et dont j’ai vraiment un grand besoin.»
Il n’est pas réélu au Bureau politique en août 1930 mais réélu, en septembre 1931. Albert Vassart qui apparaît comme une des principales victimes du sectarisme des années 1928-1931, reprend sa place au Secrétariat en octobre 1932, en tant que secrétaire administratif et, de fait, trésorier.
Le Parti communiste lui doit la mise en place du service qui deviendra la commission des cadres. C’est à ce titre qu’il est le responsable de la mise en place et du renforcement de l’appareil clandestin du parti.
Cependant, une lettre de Fried (représentant de Moscou en France) envoyée à la direction de l’IC et datée du 20 octobre 1933, permet d’apprendre que certains de ses choix techniques sont critiqués. La sanction tombe sous la forme d’un télégramme de l’Internationale du 30 décembre 1933 : « Relever Panier [alias Albert Vassart] de ses fonctions de dirigeant d’organisation et de membre du BP. Causes : ligne générale, inapplication du Plan... Proposition : travailler à la commission à Moscou. »
En avril 1934, Vassart devient ainsi le représentant du PCF auprès de l’Internationale, fonction qu’il exerce pendant un an, à l’époque cruciale de définition de la politique de Front populaire. Il affirme avoir œuvré en faveur de ce tournant politique et réévalue à la baisse la part personnelle de Maurice Thorez, dirigeant qu’il n’a jamais apprécié.
Le parti l’oriente vers l’activité électorale qui ne semble pas avoir recueilli jusque là, les faveurs de Vassart.
Il se présente sans succès, aux élections législatives de mai 1932 dans la 2e circonscription de Mézières (Charleville, Ardennes).
Pour les élections municipales de mai 1935, il est candidat à Maisons-Alfort et élu maire. Maurice Thorez souhaite qu’Albert Vassart reprenne en main la Fédération des municipalités communistes de France, sous influence de Marcel Capron, maire d’Alforville. Ce qui est fait puisqu’il en devient le secrétariat général.
Vassart est également élu conseiller général de la Seine le 2 juin 1935.
En août 1939, Vassart ne manifeste pas immédiatement son hostilité au Pacte germano-soviétique. Devenu réserviste sans affectation, il se met au service du parti. Fin octobre Benoît Frachon, clandestin, le fait participer au secrétariat improvisé et lui confie la direction pratique et politique de la défense des communistes emprisonnés. Or, Vassart est déjà en désaccord avec la position du parti sur le Pacte germano-soviétique. Au début décembre 1939, Vassart fait savoir à Frachon, qu’il est en complet désaccord avec les analyses de l’Internationale sur la guerre impérialiste, et qu’il rompt avec le parti.
Une lettre datée du 1er décembre 1939 annonce au président du conseil général de la Seine, sa prise de distance avec le PCF. Il signe l’appel de l’Union populaire française de Marcel Gitton : « A tous les travailleurs, à l’opinion publique. Pourquoi nous avons démissionné du Parti communiste. ».
Vassart est arrêté le 6 décembre et il affirmera être resté «d’un mutisme absolu pendant ses interrogatoires par la police». Devant le 3e tribunal militaire de Paris, il déclare cependant, avec Fernand Soupé, maire de Montreuil (Seine Saint Denis), qu’il se désolidarise du Parti communiste, «l’accord germano-russe (a) rendu inévitable l’attaque allemande et étendu le champ des hostilités" (Le Matin, 15 mai 1940). Condamné à cinq ans de prison le 14 mai 1940, il est libéré de la prison de Bourges, le 17 septembre 1941, à la suite de démarches de Marcel Gitton et d’Henri Barbé.
Il adhère au Parti ouvrier et paysan français (POPF) de Marcel Gitton, et accepte de figurer dans son Comité central.
Vassart travaille avec Henri Barbé et Marcel Capron pour obtenir la libération de militants communistes emprisonnés. Ainsi joue-t-il un rôle actif dans la mise en liberté de Julien Racamond, en juillet 1942.
Albert Vassart affirme avoir rencontré le réseau de Résistance Libé-Nord en 1943, par l’intermédiaire d’un militant socialiste. Dans ses archives figure une carte Libération-Nord aux noms de Cilly et Albert Vassart indiquant que du 1er mai 1944 au 30 septembre 1944, Cilly fut « agent occasionnel » et Albert « agent P 1 » du réseau « NNB » des Forces françaises combattantes.
À la Libération, Libé-Nord le charge des services administratifs de la mairie du VIe arrondissement de Paris. Il s’engage ensuite dans l’armée et est affecté à la préparation militaire.
Le 6 novembre 1945, Vassart est convoqué au commissariat de Maisons-Alfort et un mandat d’amener est lancé contre lui. Il reste introuvable. Ce n’est qu’en avril 1948 que la direction du POPF passe en procès devant la chambre civique. Vassart est condamné à la dégradation nationale à vie mais immédiatement absout en raison des services rendus à la Résistance (Le Monde, 9 avril 1948).
Après 1945, Albert Vassart est gérant de la société commerciale Comapro. De 1950 à 1952, il écrit dans la revue La Marche du Mond.
Il devient par la suite publiciste à Presse et Travail. Devenu « anticommuniste » militant, il fréquente à la fois les milieux syndicalistes révolutionnaires autour de la Révolution prolétarienne, et les milieux ex-collaborateurs devenus pro américains.
Le hasard veut qu’il meure d’un cancer du cerveau le même jour que Marcel Cachin et qu’il soit enterré au Père Lachaise le même jour, le 15 février 1958. Et les deux cortèges se sont croisées, avec Henri Barbé d’un côté et Georges Marrane de l’autre.
Vassart tirait un bilan amer de son expérience militante : «l’expérience d’un métallo de tempérament libertaire devenu non un “ robot ” mais un apparatchick, un révolutionnaire professionnel, mettant le parti au-dessus de tout sans jamais cesser de chercher à comprendre et qui a tenu jusqu’au moment de la nausée pour constater à retardement qu’il avait pris une mauvaise route et lutté pour un idéal progressivement dénaturé. »
Vassart se marie le 15 septembre 1931, avec Cilly Geisenberg, sténo-dactylo, son aînée de trois ans (née le 18 janvier 1895 à Sprottau (Allemagne), divorcée de Ludwig Geisenberg, ancien secrétaire de l’Internationale des travailleurs de l’Enseignement, mort à Auschwitz Birkenau en 1943). Vassart et Cilly ont échangé pendant plus de trois années une correspondance amoureuse et politique qui a été conservée et dont l’intérêt est considérable.
Cilly, est exclue du Parti communiste allemand en 1929 pour sympathie pour le groupe Brandler (cofondateur du PC allemand, exclu pour son apposition à Staline). Arrivée en France, elle demande sa réintégration qu’elle obtient en 1933. Elle est présidente d’honneur du Comité mondial des femmes contre la guerre, section de Maisons-Alfort.
Elle se rend à Maisons-Alfort début avril 1945 où elle est arrêtée puis immédiatement relâchée.
Sources
Albert Vassart – Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier – Claude Pennetier
L’auto-analyse d’un dirigeant communiste et d’un couple communiste : Albert Vassart et Cilly Geisenberg-Vassart. Bernard Pudal, Claude Pennetier, 2014, Presses universitaires de Rennes.
Mandats électifs
Conseiller général de la Seine : 1935 - 1939
Maire de Maisons-Alfort : 1936 - 1939
Responsabilités au PCF
Membre du Comité central : 1926 - 1939
Membre du Bureau Politique : octobre 1929 - février 1930 ; septembre 1931 – avril 1934
Secrétaire général de la Fédération des municipalités communistes de France : 1935 - 1939
Représentant du PCF auprès de l’Internationale : avril 1934 - 1935
Publications
La Stratégie des grèves, préface de Rabaté, 1926,
Le Mensonge des 40 ans de paix sociale, préface de Jean Brécot.
Albert Vassart, Mémoires, (inédit et inachevé), 426 p. (de sa naissance à 1933).
Honneurs
Croix de guerre