Fils d’un employé aux tramways d’Ille-et-Vilaine et d’une employée de maison, Charles Tillon (né à Rennes (Ille-et-Vilaine) le 3 juillet 1897, mort à Marseille (Bouches-du-Rhône) le 13 janvier 1993) fait son apprentissage de métallurgiste à l'école professionnelle de Rennes, jusqu'en 1913.
Ministre
Exclu en 1970
Il entre à l’automne 1914 à l’Arsenal de Rennes comme ajusteur. Réformé en janvier 1916, il choisit néanmoins de signer un engagement de cinq ans dans la Marine et s’embarqué en août 1916 sur Le Guichen comme mécanicien. Après la signature de l'armistice, son navire est en rade de Itéa (Grèce), et pour des raisons liées à la dureté du commandant du Guichen, Tillon
se rebelle et entraîne avec lui l'équipage qui refuse alors d'obéir à ses officiers. La mutinerie est rapidement matée. Charles Tillon et vingt-quatre autres "meneurs" sont ramenés à Brest. Jugé, il est condamné à cinq ans de travaux forcés en novembre. Tillon purge sa peine au camp de Monsireigne puis, à partir de juillet 1920, à Dar bel-Hamri (Maroc). Il est libéré au bout de cinq mois.
Après sa libération, Tillon retrouve un emploi d'ajusteur à Rennes dans différentes usines de machines agricoles et de produits chimiques.
Il adhère au Parti communiste au cours de l’été 1921 et s’engage dans l’action syndicale.
Il organise le syndicat local des métaux, devient secrétaire de l'union départementale, puis de l'union régionale des syndicats unitaires. Après avoir conduit plusieurs mouvements, il anime la grève des sardiniers de Douarnenez qui se termine par une victoire en janvier 1925. Quelques temps après, en mai, Tillon est élu conseiller municipal de Douarnenez.
En 1928, il est chargé de l'union régionale des syndicats de Nantes.
En mars 1930, il prend la direction de la nouvelle Fédération CGTU de la céramique et des produits chimiques.
En 1929, il devint secrétaire régional du PC.
Le 26 mai 1935, il est élu conseiller général de la Seine, canton d'Aubervilliers.
Tillon entre au bureau confédéral de la CGTU en septembre 1931. En mars 1932, à l’occasion du 7e congrès du PC, il entre au comité central du PCF puis, en septembre, au bureau politique comme suppléant. À l’issue du congrès du PCF de Villeurbanne (janvier 1936), il est chargé de la région Paris-Nord pour contrer J. Doriot.
Aux élections législatives de 1936, il est élu député de la Seine dans la 3e circonscription de Saint-Denis. Au Palais-Bourbon, il siège à la commission de la marine marchande dont il devient vice-président, puis au cours des deux dernières années de son mandat, à la commission d'assurance et de prévoyance sociale.
En avril 1939, il fait partie d’une délégation internationale qui est envoyée en Espagne pour aider au rapatriement des républicains espagnols bloqués à Alicante et à Valence. Au cours de cette opération, Tillon est mis aux arrêts au consulat de France. Finalement, il obtient un sauf-conduit en qualité de député.
Au début de la guerre, Charles Tillon est déchu de son mandat de député le 20 février 1940, en application de la loi du 20 janvier 1940 (il est l’un des neuf députés communistes à ne pas être arrêtés). Condamné par contumace à cinq ans de prison, il entre dans la clandestinité.
Tillon est l’un des quatre instructeurs inter-régionaux du PCF, et à ce titre il réorganise le parti dans une dizaine de départements du Sud-Ouest.
Dès la débâcle, Charles Tillon fait preuve d’une attitude nettement plus opposée aux occupants que la direction du PCF. Dans l’Humanité clandestine, il lance le 17 juin 1940, un appel à la constitution d'un gouvernement " luttant contre le fascisme hitlérien et les 200 familles, s'entendant avec l'URSS pour une paix équitable, luttant pour l'indépendance nationale et prenant des mesures contre les organisations fascistes ". Le 18 juillet, il publie un manifeste intitulé « L'ordre nouveau du gouvernement de la 5e colonne, c'est le fascisme hitlérien». Il écrit : « Notre devoir à tous est de nous unir pour conquérir notre patrie, de nous unir pour libérer son territoire de tous les oppresseurs et exploiteurs, pour en chasser à la fois les capitalistes, leur tourbe de valets et de traîtres, et les envahisseurs.»
Il ne s’engage pas dans une politique d’entente plus ou moins tacite avec l’occupant, alors que de son côté, J. Duclos négocie avec les autorités pour la reparution légale de l’Humanité.
Pendant les premiers mois de l’Occupation, Charles Tillon poursuit la réorganisation du PCF dans les départements du Sud-Ouest dont il a la charge.
En 1940, Jacques Duclos et Benoît Frachon font appel à lui pour devenir le troisième membre du secrétariat clandestin du PCF. A partir de mars 1941, ces trois dirigeants se réunissent une ou deux fois par mois.
Lorsque l’attaque allemande contre l’Union soviétique met, pour le PCF, la lutte armée à l’ordre du jour, Charles Tillon se voit confier les questions militaires. Pour ne pas limiter l’action armée aux seuls communistes, il est décidé de créer une organisation spécifique, non communiste - les Francs-Tireurs et Partisans Français (FTPF) - et de rattacher ces combattants au Front national, l’organisation de masse du PCF, théoriquement indépendante de ce dernier. En mars-avril 1942, un Comité militaire national des FTP (CMN) est mis sur pied, dirigé par Charles Tillon (il est le commandant en chef des FTP). A ce titre, celui-ci est le principal animateur de la Résistance armée communiste. Officiellement, Charles Tillon est un des trois dirigeants clandestins du PCF.
Le 10 août 1944, avec le CMN, il lance l’appel à l'insurrection parisienne.
En septembre 1944, il est nommé dans le premier gouvernement du général De Gaulle, ministre de l’Air (jusqu’au 6 novembre 1945). Puis ministre des Armements (21 novembre 1945 - 20 janvier 1946) dans les deux gouvernements De Gaulle, et ministre de l’Armement (23 janvier - 22 novembre 1946) dans les ministères F. Gouin et G. Bidault, enfin ministre de la Reconstruction sous P. Ramadier, jusqu’au départ des ministres communistes le 2 mai 1947.
Dans son activité ministérielle, tout en soutenant la ligne politique de son parti, Charles Tillon fait preuve d’une certaine indépendance d’esprit, s’opposant ainsi à la direction du PCF qui, engagée dans une lutte parlementaire contre le général de Gaulle, exige une brutale réduction des crédits militaires.
Il est désigné au BP du PCF lors du congrès de janvier 1945.
Ayant quitté le ministère, Tillon devient, avec Laurent Casanova, un des deux principaux responsables des questions militaires du PCF. Il prend en charge le secteur de « la lutte pour la paix », qu’il envisage dans un premier temps moins comme l’appendice du combat diplomatique du camp socialiste que comme la prolongation du combat de la Résistance.
Il lance ainsi en novembre, le Mouvement des combattants de la paix et de la liberté, devenu en 1949 le Mouvement des partisans de la paix.
Fin mai 1948, il est désigné par le bureau politique comme orateur à la Mutualité à Paris pour commémorer le centenaire des journées de juin 1848, et à cette occasion, il s’en prend à Tito avant sa rupture avec Staline.
Charles Tillon préside, à la Libération, la municipalité provisoire d’Aubervilliers et il en devient le maire à l’issue des élections municipales d’avril-mai 1945. Il est reconduit dans ses fonctions après les municipales de 1947.
Il est député de la Seine de 1945 à 1952.
Marcel Servin, responsable de la commission des cadres, après avoir rencontré Maurice Thorez en convalescence dans le Caucase, met en place en juillet 1951, une commission d’enquête composée de Léon Mauvais, de Gaston Auguet et de lui-même.
Dans un premier temps, lors d’une réunion du secrétariat du parti, le 26 mai 1952, seul André Marty - ancien mutin de la Mer noire, ancien secrétaire de l’Internationale communiste et dirigeant des Brigades internationales en Espagne - est mis en cause pour une opposition à la ligne du parti. Puis, le 1er septembre 1952, l’accusation contre André Marty s’aggrave – il est accusé d’activité fractionnelle – et s’élargit à Charles Tillon.
Le Comité central, lors de sa session du 7 décembre 1952, évoque les liaisons policières d’André Marty. Georges Beyer, le beau-frère de Tillon et son bras droit pendant la guerre, fondateur du réseau de renseignements des FTP, le FANA, lui apporte un témoignage qui corrobore les accusations de travail fractionnel de Tillon (il semble que Beyer était «tenu» par les services soviétiques). À l’issue de ces réunions, Marty perd son poste au secrétariat et Tillon le sien au BP. La séance du CC du 7 décembre marque une dernière étape. Tillon est rétrogradé à la base, après une autocritique (14 octobre) considérée comme insuffisante et démis de la présidence de l’ANACR (Association nationale des anciens combattants de la Résistance). Et le «flic Marty» est exclu du PCF et se voit retirer la présidence de l’Association des anciens de la mer Noire.
De nombreuses voix se sont interrogées sur les raisons de la mise à l’écart de militants aux biographies si prestigieuses. Il semble désormais établi que, poursuivant tous les communistes des pays de l’Est coupables de « nationalisme », autrement dit de tiédeur dans l’affirmation de leurs sentiments pro-soviétiques, les services soviétiques se sont mis à la recherche des complices occidentaux de ces « espions » démasqués en Tchécoslovaquie, en Hongrie ou ailleurs. En définitive, le « procès » fait par le PCF à Charles Tillon et à André Marty, en 1952, appartient à cette série d’épurations touchant les partis communistes au pouvoir comme ceux dans l’opposition, et frappant certains dirigeants disposant d’une légitimité antifasciste autonome, qu’elle fût acquise dans les Brigades internationales ou dans la Résistance.
Charles Tillon rejette ces accusations d’opposant politique et affirme longtemps sa fidélité envers le PCF et le communisme. Pendant de longues années, Charles Tillon garde à la fois le silence et sa carte du parti. Sa seule initiative publique est d’éditer, en 1962, un ouvrage historique à la gloire des FTP, ouvrage qu’il a d’abord rédigé en tant que dirigeant communiste pour servir la gloire du parti, mais que la direction du PCF avait mise au pilon après sa « disgrâce ».
Ce sont les événements de 1968, en Tchécoslovaquie et en France, qui font sortir Charles Tillon de sa réserve. Il condamne la normalisation en Tchécoslovaquie, le 5 janvier 1970. Et le 3 juin 1970, il signe avec Roger Garaudy, Maurice Kriegel-Valrimont et Jean Pronteau, un texte publié dans le Monde : « Il n’est plus possible de se taire ». Dans ce texte, les signataires condamnent la répression soviétique en Tchécoslovaquie, critiquent le fonctionnement du PCF, « inspiré du modèle soviétique » et dénoncent le séjour en Allemagne de Georges Marchais durant la guerre et son absence de passé de résistant (et en conséquence leur opposition à son accession au poste de secrétaire général adjoint).
Il est exclu du PCF, par sa cellule, le 3 juillet 1970. Il riposte à cette exclusion en dénonçant le passé du nouveau secrétaire général du PCF, Georges Marchais, et entame alors un long travail d’écriture autobiographique, essentiellement marqué par la publication de ses mémoires en 1977 : On chantait rouge.
Charles Tillon est commandeur de la Légion d’honneur. Il disparaît le 13 janvier 1993, dans sa quatre-vingt-seizième année.
Sur le plan personnel, il perd sa femme, Colette, en 1947, dont il a eu deux fils, Claude (1928) et Jacques (1942). En 1951, il épouse sa nouvelle compagne, Raymonde Barbé, dont il a deux enfants, Itea (1950) et Nadia (1952).