Les Ex-PCF

Le plus grand parti de France

La "bolchévisation" (1924-1928)

Lénine, à la mi-1921, est épuisé mentalement et physiquement. Il souffre toujours de migraines et d'insomnies et a eu plusieurs alertes cardiaques. Il connaît des difficultés croissantes pour faire face à sa charge de travail.

Départs de 1924 à 1938

Auffray Charles

 1929

Barbedienne Rodolphe

 1929

Bourlois Henri

1928

Doriot Jacques

1934

Garchery Jean

 1929

Gélis Louis

1929

Jacob Joseph Henri

1932

Langlais Auguste

 1929

Le Garlantézec Joseph

 1929

Mercier Pierre Antoine

 1929

Michard Maurice

 1929

Salom François

 1930

En novembre 1922, Lénine assiste au quatrième congrès du Komintern : il apparaît physiquement marqué, s'exprime avec moins d'aisance qu'auparavant et se tient à l'écart des débats. Entre le 24 novembre et le 3 décembre 1922, il est victime de plusieurs malaises. À la mi-décembre, ses médecins lui prescrivent un repos complet.

Le 10 mars 1923, Lénine est frappé d'une nouvelle attaque, qui le laisse paralysé et incapable de parler distinctement. Le 21 janvier 1924, Lénine décède.

L’éloignement de Lénine et la prééminence de Staline, désigné secrétaire général, en avril 1922, changent les mots d’ordre de l’Internationale. Alors que l’IC était conçue pour organiser et coordonner les luttes et la révolution dans l’ensemble des pays, la nouvelle orientation est claire : tout subordonner à la défense de l’Union soviétique.

Le Ve Congrès (juin-juilllet 1924) de l’IC décide la « bolchevisation » des partis communistes, ce qui signifie l’application intégrale et complète de la notion de «centralisme démocratique» avec la disparition des tendances, la constitution d'un noyau de dirigeants permanents et l'organisation sur la base de cellules d'entreprise. La «bolchevisation» permet d'ancrer les partis communistes dans le monde ouvrier et de former des équipes stables de dirigeants.

Au même moment, Staline, Zinoviev et Kamenev lancent une violente campagne pour écarter les trotskistes en URSS, comme à l'étranger. Ainsi l'épuration frappe-t-elle les trotskistes, dans tous les partis communistes (1925-1926). Boris Souvarine, secrétaire du PCF, partisan de Trosky, est exclu dès 1924 par l’IC.

La stratégie de «bolchevisation» du PCF, n’est pas totalement acceptée et entraîne des départs. Les effectifs du PCF baissent, et passent de 83 000 adhérents en 1925 à 35 000 en 1929, selon les chiffres officiels de l’IC (1).

 

Tactique classe contre classe (1929- 1933)

En 1928, l’Internationale communiste change de stratégie, lors de son VIe Congrès (en septembre 1928), et lance la «tactique classe contre classe» accompagnée du mot d’ordre «ne pas voter pour le Parti socialiste». Cette orientation «classe contre classe», est dictée par le la conviction que la crise du capitalisme entraîne la radicalisation de la classe ouvrière.

En avril 1929, la tactique «classe contre classe» est validée à la majorité, au VIe Congrès du PCF, et entraîne un durcissement de la direction du PCF vis-à-vis de ceux qui n’adhérent pas pleinement à cette orientation édictée par l’Internationale.

A ce congrès la moitié du Bureau politique n’est pas reconduite. Louis Sellier, Renaud Jean, Alfred Bernard sont remplacés par des dirigeants (ou ex-dirigeants) des Jeunesses communistes : François Billoux, Pierre Celor, André Ferrat, Henri Lozeray. Ces derniers propulsés par l’IC viennent renforcer les membres du Bureau politique totalement acquis à la tactique «classe contre classe», à savoir Maurice Thorez, Benoît Frachon, Georges Mommousseau, Pierre Semard.

Cette nouvelle direction va combattre la droite du PCF qui freine la mise en œuvre de la politique du PCF. Les résultats considérés comme mauvais du Parti communiste aux élections législatives de 1928 (2) et la baisse des effectifs du PCF sont, selon la direction, dus aux retards dans la mise en œuvre de la nouvelle politique.

Cette orientation provoque l’exclusion notamment de nombreux élus qui sont considérés comme appartenant à la tendance municipaliste électoraliste «droitière».

L’épuration commence début septembre 1929, par une attaque contre les dirigeants de la Banque ouvrière et paysanne (BOP) qui se sont mal défendus face à l’opération montée par le gouvernement et le préfet Chiappe : la banque est accusée de servir de point de passage pour fournir des fonds soviétiques au PCF. Les onze administrateurs sont condamnés à 200 francs d’amende et le président Georges Marrane à 1000 francs. Parmi les administrateurs figurent Jean Garchery et Louis Sellier qui seront exclus plus tard.

Le monde syndical est aussi touché. Le 4 septembre, deux communistes, dirigeants syndicaux unitaires (Henri Boville et Marcel Poussif) sont exclus.

Le 25 septembre, le Bureau parisien du PC s’en prend à deux conseillers généraux de la Seine (Louis Laporte et Jules Lauze) et un conseiller municipal de Paris (Louis Duteil), coupables de s’être rendus dans le cadre d’un voyage d’étude en Hongrie «en compagnie des élus bourgeois et socialistes».

Le 5 novembre 1929, une déclaration du Bureau politique « La discipline du Parti et les élus » parue dans l’Humanité, donne comme tâche à la Conférence nationale de janvier, l’épuration de tous les éléments «opportunistes», «sociaux-démocrates», «confusionnistes», «paniquards », «freineurs» et le renforcement de la discipline à l’égard des élus. Cette déclaration vise les six conseillers municipaux de Paris, Louis Sellier, Jean Garchery, Louis Castellaz, Charles Joly, Louis Gelis, Camille Renault. Ceux-ci ne s’y trompent pas et décident de protester officiellement contre ce communiqué, à l’occasion de la conférence des élus communistes qui doit se tenir le 10 novembre suivant, à la Bellevilloise. Mais le lendemain un article de Marcel Cachin reprend dans les mêmes termes l’argument développé par le BP. Les « Six » décident alors de ne pas se participer à la conférence. Ils adressent au BP une lettre, dans laquelle, ils dénoncent le dénigrement systématique opéré dans le PC contre les élus depuis 1927, et critiquent son mode de fonctionnement, son « esprit anarcho-communiste » et son anti-parlementarisme outrancier. Sans remettre ouvertement en cause l’orientation adoptée lors du VIe congrès de l’IC, ils militent pour un « redressement » du parti en demandant que leur lettre soit publiée. Dès lors le processus de scission est engagé. Le 20 novembre, ils publient sur les murs de Paris une affiche annonçant leur rupture avec le PCF, appelant au soutien de la population, s’engageant ainsi dans la voie de la création d’un nouveau parti. Il semble que jusqu’au 3 novembre, ils ont espéré rallier Marcel Cachin à leurs vues et que celui-ci se soit montré hésitant jusqu’à cette date. L’article de Cachin dans l’Humanité du 6 novembre, met fin à ces incertitudes.

Dès le début décembre les « Six » font paraître une brochure volumineuse, Le Réquisitoire des «Six» dans laquelle, après avoir retracé l’historique du conflit, ils appellent à la constitution du Parti ouvrier paysan (POP) et annoncent la publication d’un nouveau journal, Ça ira, dont le premier numéro paraît le 15 février 1930. Le POP est effectivement créé le 6 décembre 1930, à la mairie de Clichy, en présence de 200 personnes. Louis Sellier en est le secrétaire général ainsi que le gérant de Ça ira.

Le principal point du programme politique du POP : la nécessité de reconstruire l’unité ouvrière rompue dix ans auparavant à Tours. Programme proche de celui du Parti socialiste communiste (PSC), nouveau nom depuis 1927 de l’Union socialiste communiste (USC) constituée en 1923 par Ludovic Oscar Frossard, Paul Louis, Maurice Juncker, Jean Gaudeaux, etc... Dès le début de 1930 des contacts ont lieu entre le POP et le PSC et une fusion est rapidement envisagée.

Par ailleurs, Charles Auffray, maire de Clichy est exclu. Cette exclusion fait suite à l’exclusion du conseil municipal, de Paul Néfrin qui a été imposé à Auffray, par la direction du PCF.

De même Pétrus Faure, maire de Chambon-Feugerolles, est exclu pour avoir refusé de mettre à la disposition une salle de la mairie pour la préparation de la grève générale du 1er août 1929, Journée internationale contre la guerre (3), et de signer une affiche communiste appelant les ouvriers à « prendre possession » de leur mairie, «même si elle est gardée par la police». À la suite de cet acte d’indiscipline, il est exclu le 13 octobre 1929 et «son exclusion permet de poser devant le parti tous les désaccords politiques qui le séparaient du renégat».

Par ailleurs plusieurs militants communistes du bassin minier de Saint-Étienne et de La Ricamarie subissent une exclusion.

La crise du PCF est également aiguë dans les rangs des communistes alsaciens même si le refus de la tactique «classe contre classe» s’accompagne de la défense de positions autonomistes.

 

L’affaire Barbé Celor

Dimitri Manouilski, dirigeant de l’IC qui suit le PCF, charge Henri Barbé et Pierre Celor, anciens membres des Jeunesses communistes, de renforcer l’application des directives de l’IC au sein du CC et du BP. Ainsi prend forme le groupe de la Jeunesse, composé de tous les membres de la direction de la Fédération des Jeunesses (François Billoux, Ambroise Croizat, André Ferrat, Raymond Guyot, Eugène Galopin) et des anciens JC (Barbé, Pierre Celor, Henri Lozeray). Lozeray et Celor assurent la direction du Groupe, en liaison constante avec Barbé qui suit les cours de l’École léniniste internationale de Moscou. Le noyau se fixe comme objectif, sous l’impulsion de l’IC, de placer rapidement les meilleurs militants jeunes aux postes de direction, à Paris comme en province.

Signe des résistances à l’application des décisions de l’IC, le secrétaire général du PCF, Pierre Semard intervient lors du VIe congrès de l'IC en août 1928, pour demander que l'on n'assimile pas social-démocratie et fascisme, au nom de la tactique «classe contre classe».

Le sixième Congrès du PCF en mars-avril 1929, à la demande de Sémard, désigne un Secrétariat collectif composé de Barbé (liaison avec l’Internationale communiste), Thorez (responsable politique), Frachon (responsable syndical), Celor (lutte antimilitariste, anticolonialiste et liaison avec les JC).

Dès février 1930, les responsables du Komintern se demandent s’ils n’ont pas fait un faux pas en misant uniquement sur le groupe de la Jeunesse. Manouilski critique les « jeunes cadres » qui «apprennent la politique sur le dos du Parti». L’IC n’ayant pas d’équipe de relève donne mandat à la direction Barbé, Celor, Thorez de modifier radicalement la situation du PCF. Barbé, clandestin, ne pouvait pas reprendre les rênes de l’appareil (il est le secrétaire général potentiel pour l’IC), c’est à Maurice Thorez, sorti depuis peu de prison et présent à Moscou, que revient la tâche de tirer le bilan de la situation du Parti devant le Comité central des 17 et 18 juillet 1930. Thorez accède au secrétariat général avec un Bureau politique restreint à huit membres.

Thorez, est cependant accompagné d’un «collège de direction» animé par le Tchèque Eugen Fried, envoyé permanent de l’IC qui assure de fait la tutelle du PCF.

En juillet 1931, Manouilski vient en personne à Paris demander l’élimination du groupe de la Jeunesse, accusé d’activités fractionnelles secrètes et de complot contre le Komintern.

L’«affaire Barbé – Celor » démarre donc en juillet 1931.

Manouilski, après avoir consulté Maurice Thorez et André Marty, obtient de Raymond Guyot qu’il fasse son autocritique en dénonçant devant le bureau politique l’existence d’un groupe occulte. Guyot accuse le groupe de préparer une espèce de rébellion dans la direction du parti contre la politique du Komintern, et charge Barbé et Celor. Le Comité central des 26-28 août 1931 concentre les attaques contre Barbé et Celor qui mis à l’écart en août et exclus en décembre 1931 du BP. Lozeray, Billoux, Claude Servet sont blâmés. Eugène Galopin et Louis Couteillhas échappent aux sanctions.

Encore confiants dans l’Internationale, Barbé et Celor se rendent à Moscou où ils sont soumis à une enquête approfondie. Ils se livrent à une autocritique complète. Ils restent près d’une année à Moscou (Barbé est rejoint par sa compagne, en janvier 1932).

De retour d’URSS vers octobre 1932, Barbé légalise sa situation militaire en se présentant au bureau de recrutement le 4 novembre, l’autorité militaire le recherchant pour «insoumission» depuis son absence à une période de réserve le 7 août 1928. Arrêté le 18 novembre 1932 et écroué à la prison du Cherche-Midi, il est condamné le 13 janvier 1933, par le Tribunal militaire permanent de Paris à huit mois de prison et confirmé dans sa dégradation.

Barbé retrouve sa fonction de conseiller municipal de Saint Denis. Son autocritique et son action à Saint-Denis lui permettent de retrouver l’estime de la direction. Jacques Duclos écrit dans l’Humanité du 13 octobre 1932 : «Prenons, par exemple, le camarade Barbé, dirigeant du « groupe ». Il est clair que ce camarade, qui s’est particulièrement trompé, a su montrer depuis, par son travail et son attitude juste, en reconnaissant l’étendue de ses fautes et en commençant à les corriger, qu’il était un militant honnête et méritait la confiance du Parti.»

Pour Celor, l’histoire est différente, car Barbé accuse Celor d’être un indicateur de police. Soumis à un interrogatoire pendant plusieurs mois. Il est exclu du PCF juste avant son retour en France, en octobre 1932.

Le 5 juillet 1934, quelques jours après l’exclusion de Doriot (27 juin), Barbé prend la parole en sa faveur, lors d’un meeting à Saint-Denis. Suite à ce soutien public, Barbé est exclu le 12 septembre 1934. Un rapport du Comité central paru dans les Cahiers du Bolchevisme du 15 septembre 1935, le présente comme «l’ancien chef du groupe opportuniste sectaire Barbé-Celor, fondé par Doriot», puis l’accuse d’avoir précipité l’exclusion de Charles Auffray, maire de Clichy, des six conseillers municipaux de Paris (Jean Garchery, Louis Sellier, Louis Castellaz, Charles Joly, Camille Renault, Louis Gélis) et de Jules Lauze, maire de Viletaneuse, sans tenir compte des intérêts électoraux du Parti communiste.

Après leur exclusion, les parcours de Barbé et Celor sont sensiblement similaires.

En juin 1936, Barbé participe à la création du Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot dont il sera le secrétaire général. En octobre 1939, un conflit, plus personnel que politique, l’oppose à Doriot. Désireux de s’engager dans la politique de collaboration sans renouer avec le PPF, Barbé entre au Rassemblement national populaire (RNP), fondé par Marcel Déat en février 1941, et fait partie de son secrétariat.

En 1941, Celor lui, adhère au Rassemblement national populaire (RNP) de Marcel Déat puis l’année suivante au Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot.

 

Sources

Henri Barbé - Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier – Louis Sellier - Michel Dreyfus

Pierre Celor - Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier – Louis Sellier - Michel Dreyfus

PCF, Crises et dissidences, Michel Dreyfus, Edition complexe, 1990.

Le ‘Groupe’ Barbé-Celor, L'Humanité, Danielle Tartakowski, 2 février 1980.

Notes

 (1) Les effectifs baissent de 83 000 en 1925 (Correspondance internationale du 30 mars 1929)  à 38 000 en 1930 (La correspondance internationale du 18 mai 1932). On estime même les effectifs du PC en 1930, entre 10 000 et 15 000 militants. Voir Le PCF sous la Troisième République, 1920 - 1939, Evolution des effectifs, Annie Kriegel, Revue française de science politique, 1966)

(2) Les résultats des élections de 1928 : le PCF obtient 11,26% soit une relativité stabilité par rapport au 9,82% de 1924

 (3) A partir 1929, chaque 1er août, jour anniversaire du déclenchement de la Première guerre mondiale, l’Internationale organise la Journée internationale d’action contre la guerre impérialiste et pour la défense de l’Union soviétique, avec manifestations de rue et grève générale. En 1929, suivants les directives de l’Internationale, cette journée d’action est menée selon une orientation ultra-gauche et antimilitariste, avec pour le PCF le renforcement de la mobilisation ouvrière dans l’esprit «classe contre classe