Les Ex-PCF

Le plus grand parti de France

Les premières secousses du monde socialiste

Après la guerre, en 1948, Staline condamne Tito et les dirigeants yougoslaves qui veulent conserver une certaine autonomie vis-à-vis de l’Union soviétique. Dans le PCF, les effets sont limités et les exclusions sont peu nombreuses : Jean Duvignaud, Edith Thomas, …

Départ 1948 – 1967
Antelme Robert 1950 
Baby Jean 1960
Césaire Aimé 1956
Chaintron Jean 1962
Claude Roy 1957
Debray Régis 1963
Desanti Dominique 1956
Duras Marguerite 1950
Duvignaud Jean 1949
Forner Alain 1968
Fougeyrollas Pierre 1956
Furet François 1959
Goldman Pierre 1966-1968
Golendorf Pierre 1974
Grumbach Tiennot 1966
July Serge 1963
Kahn Pierre 1965
Khan Jean François 1957-1958
Kravetz Marc 1966
Kriegel-Valrimont Maurice 1961
Kriegel Annie 1957
Le Dantec Jean-Pierre 1963
Lecoeur Auguste 1954-1971
Leroy Ladurie Emmanuel 1956
Lévy Benny 1966
Linhart Robert 1966
Mallet Serge 1958
Marty André 1953
Mascollo Dionys 1950
Morin Edgar 1951
Péninou Jean-Louis 1966
Pienkny Jeannette 1966
Poperen Jean Maurice 1956
Robrieux Philippe 1965
Roy Claude 1957
Schalit Jean 1966
Sénik André 1965
Spitzer Gérard 1956
Thomas Edith 1949
Tillon Charles 1953-1970
Vaillant Roger 1959
Verbizier Gérard 1965
Vergès Jacques 1957
Weber Henri 1965

 

L’affaire de la Rue Saint Benoît

Cette affaire avec une série d’exclusions et de démissions, est exemplaire du climat de l’après guerre au sein du PCF.

Tout commence sur un ton badin, un soir de printemps 1949, suite à la réunion de la cellule, au coeur du Quartier latin. Une vraie pépinière d'écrivains, de créateurs et d'intellectuel : Marguerite Duras, Dionys Mascolo, Robert Antelme, Eugène Manonni, Edgar Morin, Claude Roy, Jorge Semprun. Ils se retrouvent dans une brasserie avec aussi Monique Régnier et Bernard Guillochon. La discussion porte sur la politique culturelle du PCF et sur Laurent Casanova, responsable à l'époque, des intellectuels. Mannoni qualifie Casanova de "grand mac"... Propos de fin de soirée. Mais le lendemain, Semprun évoque cette discussion à la section du parti. "Mouchard", disent les autres participants. Semprun, lui, se défend d'avoir "dénoncé" qui que ce soit. La mécanique de la suspicion est en route. En décembre 1949, Marguerite Duras et Dionys Mascolo décident de ne plus reprendre leur carte. Mais la section ne l'entend pas de cette oreille: en janvier, les démissionnaires, sont exclus. Le 7 mars, la cellule obtient l'exclusion d'Antelme, de Reigner et de Guillochon. Les exclus sont accusés de liaisons titistes et trotskistes.

 

Les affaires Marty-Tillon et Lecoeur (1952 – 1955)

Le 3 septembre 1952, un rapport est présenté Léon Mauvais devant le Comité central pour dénoncer les activités fractionnelles de André Marty et Charles Tillon.

Marty est ancien mutin de la Mer Noire, ancien inspecteur politique des brigades internationales en Espagne, membre du Bureau politique et troisième responsable du parti derrière Duclos. Tillon est ancien dirigeant national des FTP, ancien ministre de l’Air, membre du Bureau politique.

Marty proteste et rédige cinq autocritiques, Tillon se retire dans un petit village de Haute Provence.

En décembre 1952, le Comité central annonce de nouvelles accusations : Marty a des liens douteux et policiers. Il est exclu le 3 janvier 1953 par le Comité fédéral de la Seine.

Tillon sous la pression d’une commission d’enquête, reconnaît ses fautes, ce qui lui permet de conserver sa carte. En février 1957, le Comité Central rétablit ses « droits et ses devoirs » de membre du PCF. Tillon se retire et garde le silence jusqu’en 1970 (il sort de sa réserve après les événements de Tchécoslovaquie, en 1968).

 

Le 22 février 1954, le secrétariat du PCF décide de faire comparaître Auguste Lecoeur devant une commission d’enquête.

Lecoeur a connu une ascension rapide : secrétaire à l’organisation du PCF clandestin (1942-1944), député du Pas-de-Calais (1945-1955), sous-secrétaire d’État à la Production charbonnière (1946), membre du bureau politique et secrétaire à l’organisation du PCF (1950). En 1954, apparaît comme le principal dirigeant du parti et le dauphin de Maurice Thorez, malade et absent.

Lecoeur refuse de comparaître devant la commission d’enquête. Cela lui vaut une exclusion d’un an. Par la suite, la direction du PCF semble rechercher un compromis pour sa réintégration mais Lecoeur refuse. Et il publie en août 1955, L’autocritique attendue, texte très critique sur la direction du PCF. Son exclusion définitive est prononcée.

 

Le Rapport de Khrouchtchev et l’intervention soviétique à Budapest

La mort de Joseph Staline, le 5 mars 1953, entraîne une période de fortes perturbations pour le PCF.

En février 1956, au XXe Congrès de l’Union soviétique, Khrouchtchev dénonce le culte de la personnalité et les crimes de Staline, critique le principe de l’aggravation de la lutte des classes pendant la construction du socialisme et affirme la possibilité d’un passage pacifique au socialisme. Le rapport de  Khrouchtchev n’est pas rendu public mais rapidement des versions circulent et en France plusieurs communistes ont accès à ce document (Dominique Desanti, Pronteau, Noirot, … ). Le 16 mars 1956, le New York Time révèle l’existence du rapport. En France, sa publication est assurée par Le Monde du 6 juin 1956. Cependant, la direction du PCF nie toujours son existence (le PCI, par la voix de son secrétaire général, Togliatti, reconnaît l’existence du rapport Khrouchtchev, en juin 1956).

Nombre de communistes dénoncent le silence du PCF et démissionnent.

En novembre 1956, les chars soviétiques entrent à Varsovie pour écraser « la contre-révolution », et la répression qui suit, fait 2500 morts hongrois, 700 morts soviétiques, des milliers de blessés.

L’affaire hongroise et la non condamnation par le PCF (Thorez dénonce  la contre révolution fasciste en Hongrie) entraînent des démissions et des exclusions.

Le 22 novembre 1956 (publication dans le Monde), une lettre adressée au Comité central critique « les ambiguïtés plus ou moins voulues » et demande la tenue d’un Congrès extraordinaire pour débattre des « problèmes innombrables » posés aux communistes. Elle est signée par Hélène Parmelin, Picasso, Henri Wallon, Georges Besson, Marcel Cornu, Francis Jourdain, René Zazzo, Édouard Pignon.

Les démissionnaires du PCF ou les exclusions en cette période de crise : Aimé Césaire, Marguerite Duras, Roger Vailland, Dionys Mascollo, Robert Antelme, Claude Roy, Dominique Santi, Edgar Morin, Annie Kriegel, Gérard Spitzer, Pierre Fougeyrollas, …

 

L’affaire Kriegel - Servin - Casanova

Après le XXe Congrès du PCUS (1956), Maurice Kriegel-Valrimont, Laurent Casanova et de Marcel Servin, militent en faveur d'une évolution de la ligne politique du PCF, sur la base de la mise en cause du stalinisme, dans la ligne du rapport de Khrouchtchev.

Roland Leroy signe un article dans l’Humanité du 3 février 1961, où il dénonce les «déviations opportunistes» de Casanova, Servin et Kriegel-Valrimont.

Pour lutter contre la tendance « khrouchtchévisme », lors du Comité central des 23-24 février 1961, s'engage un processus d'épuration qui concerne principalement : Laurent Casanova,  Marcel Servin, Jean Pronteau, Maurice Kriegel, Jean-Pierre Vigier, Philippe Robrieux.

Kriegel, Servin et Casanova qui sont accusés par la direction d'activités « fractionnistes ».

Kriegel, Servin et Casanova sont définitivement exclu de la direction du parti en mai 1961, à l'occasion du XVIe Congrès. Seul Kriegel est réellement exclu. Servin fait son autocritique et Casanova meurt en 1972 « sans avoir desserrer les dents ».

 

Les départs de l’UEC

Après le XXe congrès du PCUS, Clarté soutient le tournant pris par Nikita Khrouchtchev, en particulier la critique du stalinisme.

Avec l'appui de Laurent Casanova, membre du Bureau politique, l'UEC soutient également l'action de UNEF contre la guerre d'Algérie, malgré l'hostilité de la direction du PCF.

L’UEC est à cette période traversée par plusieurs courants hostiles à la direction et à la ligne politique du PCF.

Les pro-italiens, ainsi désignés pour la proximité avec le Parti communiste italien, son secrétaire général Togliatti, et avec les idées de Gramci. Ils soutiennent l’ouverture nécessaire après le Rapport Khrouchtchev. En 1961, après l'Affaire Servin-Casanova, le bureau national de l'UEC est composé principalement de « pro-italiens » avec ses secrétaires généraux Alain Forner (1963-1964) puis Pierre Kahn (1964-1965).

Les « althussériens », ainsi désignés en raison de leur alignement sur les analyses de Louis Althusser. Ils sont pour un retour rigoureux à Marx et luttent contre les « italiens » et leur édulcoration du marxisme.

Les trotskistes qui sont alignés sur la doctrine de Trotski.

C’est lors du VIIIe congrès de l'UEC, en 1965, que la direction du PCF écarte les diverses tendances non en phase avec sa politique.

Les pro-italienne, désignés comme « droitiers » : Pierre Kahn, André Sénik,.. sont exclus.

Les trotskistes de l’UEC sont exclus et le secteur Lettres est dissout : Alain Krivine, Henri Weber, Daniel Bensaïd, ... Ils rejoindront ou constitueront des groupes trotskistes comme la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR), …

De même les althussériens qui soutiennent le maoïsme et la Chine, sont exclus ou partent de l’UEC, et créent l'Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes (UJC-ml), en 1966.

L'UJC-ml se constitue avec une grande partie (une centaine) des adhérents de l'UEC du secteur de l'École normale supérieure. UJC-ml est dirigée notamment par Robert Linhart, Benny Lévy, Tiennot Grumbach et Jacques Broyelle, tous exclus de l’UEC.  

Outre les précités, les exclus ou partants : Régis Debray, Serge July, Pierre Goldman, Yves Janin, Jean-Louis Péninou, Jean-Pierre Le Dantec, Michel-Antoine Burnier, Frédéric Bon, Prisca Bachelet, Jean-Marc Lévy-Leblond, Marc Kravetz, Jean-Marcel Bouguereau, etc.

 

Sources principales

PCF Crises et Dissidences, Michel Dreyfus, Editions complexes, 1990,

Génération, Hervé Hamon et Patrick Roman, Le Seuil, 1987

Un procès à Saint-Germain-des-Prés, Gérard Steiff, L’Humanité du 30 septembre 1998